mardi 25 mai 2010

CRISE DE L'EURO EGALE CRISE DU CAPITALISME ! - npa aube

samedi 22 mai

CRISE DE L'EURO EGALE CRISE DU CAPITALISME !

La crise de l'euro n'en finit pas de s'étendre. Elle soulève une double question : faut-il faire payer la crise aux couches sociales les moins favorisées ou à la finance ? Doit-on encourager un retour aux Etats-nations ou la construction d'une Union européenne plus politique et solidaire ?

Parmi ceux qui ne veulent pas faire payer la finance, on trouve les partisans décomplexés du néolibéralisme, mais également tous les défenseurs d'une Union européenne plus forte, comme un but en soi et quelles que soient ses orientations. Tous ceux qui applaudissent au renforcement de la coopération entre gouvernements européens, y compris quand c'est pour mieux s'attaquer aux droits sociaux. Ceux qui se réjouissent de la proposition par les ministres des finances de la zone euro d'un contrôle européen des budgets nationaux avant même leur examen par les parlements, ce qui est en fait une façon de s'assurer que la politique d'austérité drastique prévue soit bien appliquée. Ceux qui, enfin, ont approuvé les décisions européennes du 9 mai dernier du plan de soutien européen, dont le seul objectif était de rassurer les marchés sans chercher à s'attaquer aux racines du mal européen.

Derrière ces décisions se prépare un plan de rigueur à grande échelle, dont la réforme des retraites en France n'est qu'un début : la dette publique constitue une occasion unique d'imposer la logique ultime du néolibéralisme consistant à transférer une part croissante des richesses des salariés, retraités et chômeurs vers les grands détenteurs du capital. Les politiques de diminution des salaires et des pensions, de suppression de postes de fonctionnaires ou d'augmentation des impôts type TVA sont socialement injustes et économiquement inefficaces : cette cure d'austérité entraînera une dépression économique et une baisse des rentrées fiscales plus forte que les économies attendues, ce qui rendra les pays européens incapables de redresser la barre.

Ceux qui souhaitent faire payer la crise à la finance soulignent quant à eux la responsabilité des marchés financiers dans la crise économique, le renflouement sans contrepartie des banques par les Etats, la récession et l'explosion des dettes publiques en Europe qui en ont résulté. Depuis 2007, la crise de la finance privée s'est ainsi transformée en crise des finances publiques ("Crise, la croisée des chemins") et a été accentuée par les cadeaux fiscaux faits aux riches par les gouvernements.

Faire payer la crise à la finance… oui mais comment ? Il existe deux options. La première suppose un retour à une Europe des Etats-nations pour restaurer leur souveraineté, notamment sur le plan monétaire. En découlerait une sortie de l'euro. Moins d'Europe néolibérale, mais moins d'Europe politique… Cette option fait l'hypothèse très incertaine que les gouvernements nationaux seront plus volontaristes que l'Union européenne vis-à-vis de la finance, alors que ce sont ces mêmes gouvernements qui ont mis en place la dérèglementation financière. Elle suppose surtout qu'ils pourront faire face tout seuls à la puissance des marchés financiers, des multinationales et des institutions internationales comme le FMI, largement inféodé aux intérêts états-uniens. Cette option ne peut qu'aggraver la concurrence entre les Etats et la divergence des trajectoires économiques.

VERS UN PROJET SOCIAL ET ÉCOLOGIQUE ALTERNATIF

La seconde option mise sur le renforcement politique de l'Union européenne et de ses politiques budgétaire, fiscale et sociale. Elle repose sur la conviction, vérifiée par la crise, qu'une union monétaire sans véritables politiques économiques communes est vouée à l'échec. Tout comme la réserve fédérale américaine ou la Bank of England, il est temps que la banque centrale européenne (BCE) puisse prêter directement aux Etats à des taux très faibles.

Cette seconde option commanderait également d'agir à la source par une régulation européenne forte des marchés financiers : elle taxerait les transactions financières sur son territoire, obligerait les banques à souscrire à des obligations d'Etat à des taux d'intérêt très bas, interdirait la spéculation sur les dettes publiques par le biais des CDS, et s'attaquerait aux fonds spéculatifs. Une telle régulation des marchés financiers donnerait des marges de manœuvre pour entreprendre des réformes fiscales redistributives aux plans national et européen. L'Union européenne peut inverser la contre-révolution fiscale qui a déchargé les entreprises et le capital de leurs obligations fiscales, par exemple en instaurant une taxe communautaire sur les bénéfices des entreprises et une taxe carbone sur les secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. Ceci permettrait la mutualisation d'une part accrue des recettes et des dépenses publiques. Cette politique alternative s'attaquerait également aux déséquilibres commerciaux entre pays européens (notamment entre l'Allemagne et les pays latins) en faisant converger les économies nationales, non par un dumping généralisé, mais par une harmonisation progressive vers le haut des conditions sociales et fiscales.

Utopie européenne, pensez-vous ? Les marchés financiers deviennent de plus en plus imprévisibles, l'euro est en crise, chacun se rend compte de l'impasse des solutions actuelles. La crise monétaire menace les Etats eux-mêmes. Leur fuite en avant aggravera considérablement les conditions sociales des populations européennes. Dans cette situation, la construction d'un mouvement social européen, qu'on a pu voir apparaître face à la directive Bolkenstein puis au traité constitutionnel européen (TCE), sera décisive. Elle dépendra de la vitesse à laquelle la prise de conscience de l'impasse actuelle se généralisera en Europe. Nous avions souligné en 2005 lors du débat sur le TCE que l'Europe néolibérale nous conduisait à une impasse, et la majorité de nos concitoyens l'avait compris. En 2010, la crise démontre, une nouvelle fois, l'échec de cette Europe dominée par les marchés, sans union politique. Seule une sortie de crise par le haut, vers un projet social et écologique alternatif, sauvera la construction européenne.

Dominique Plihon est président du conseil scientifique d'Attac et Aurélie Trouvé est coprésidente d'Attac. Ils sont enseignants-chercheurs en économie.

http://npatroyesaube.canalblog.com/archives/2010/05/22/17974358.html

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