jeudi 13 mai 2010

LA CRISE ET LES DELIRES MEDIATIQUES

16 septembre 2009
LA CRISE ET LES DELIRES MEDIATIQUES

FAOUZI ELMIR

Mots-clés ; crise, banque, État, capitalisme.

Un an après la crise de subprime et la faillite retentissante des grandes banques américaines, notamment la banque Lehmann Brothers, les mass medias des pays capitalistes, euphoriques, pavoisent et exultent. Ça y est, le pire a été évité, on voit enfin le bout du tunnel et la crise est derrière nous. Comme pour nous convaincre que la crise est surmontée et que tout ou à peu près tout est rentré dans l’ordre, les mass medias en France qui, rappelons le au passage, sont contrôlées par deux marchands d’armes(Lagardère et Dassault) et par un entrepreneur en travaux publics(Bouygues) recourent ostensiblement à l’argument d’autorité en citant des noms d’experts et d’économistes célèbres, Stieglitz, Fitoussi, Cohen & CO. Puisque ces soi-disant sommités intellectuelles nous disent que la crise est finie et que l’on s’achemine vers une sortie imminente de crise, nous leur demandons de produire leurs preuves et leurs critères sur lesquels ils se fondent pour nous faire croire que le monde capitaliste est enfin sorti d’affaire.

À écouter ces économistes et experts attitrés, il n’y a pas eu effondrement de l’économie entraînée par une cascade de faillites de banques et de grosses entreprises comme les constructeurs automobiles. Ce redressement de la situation est dû à l’intervention rapide et efficace des États et de la banque Européenne et à une bonne et saine gestion de la crise. On oublie cependant une chose que ces économistes et ces experts attitrés qui occupent à longueur de journée l’espace médiatique et qui profèrent ce genre d’inepties sont d’abord et avant tout des individus organiquement liés aux intérêts des États et du Capital qui les nourrissent et qui les engraissent (comme l’engraissage des animaux d’élevage par les produits anabolisants) pour ensuite s’en servir comme une caution scientifique et comme instrument pour leur propagande politique. Il faut bien décortiquer et examiner à la loupe leurs discours et leurs arguments pour se rendre compte de leurs chamailleries et de leurs affabulations. Il est vrai que le pire a été évité de justesse mais la question qui se pose aussitôt : pour qui ? Le pire a en effet évité non pas pour les sociétés capitalistes qui elles, sont plongées comme toujours d’ailleurs depuis deux siècles dans des crises chroniques et endémiques mais seulement pour le grand Capital, les banques et les constructeurs d’automobiles. Le monde capitaliste est en crise profonde comme il n’en a jamais connu auparavant et la crise du capitalisme continue et s’aggrave jour après jour et rien ne semble arrêter cette descente en enfer. Dans cette crise, nous avons eu la preuve irréfragable que les États qui prétendent représenter l’intérêt général, sont sous les bottes du Capital et ils se sont révèles comme par le passé, les véritables serviteurs des monopoles. Nous avons pu remarquer que les États et la Banque Centrale Européenne se sont levés comme un seul homme pour venir en aide des banques et des constructeurs d’automobiles menacés de faillite en les renflouant à coup de milliards d’euros alors que les responsables politiques affirmaient quelques jours avant l’éclatement de la crise que les caisses étaient vides et que selon les termes de François Fillon, la France était en faillite imminente. Cette mobilisation sans précédent des États en faveur du grand Capital montre une fois de plus que les États dans un système capitaliste n’ont d’autres fonctions que de réprimer les classes exploitées et d’intervenir le moment venu pour servir les intérêts du Capital.

Ceux qui pensent que la crise est derrière nous et que le pire a été évité de justesse se trompent lourdement et prennent leurs désirs pour des réalités, car le système capitaliste est incapable de fonctionner par ses propres moyens endogènes et de surmonter par lui-même ses propres crises endémiques et permanentes selon la main invisible d’Adam Smith et la sacro sainte loi du marché. Pour surmonter ses crises chroniques endémiques, le système capitaliste a besoin de deux béquilles: un État répressif d’un côté et une myriade d’institutions spécialisées dans le lavage des cerveaux de l’autre. Si le système capitaliste est en crise permanente, cela est dû à des éléments structurels contradictoires qui empêchent son bon fonctionnement. Car le système capitaliste est fondé sur la logique de l’accumulation du capital et c’est justement cette logique de l’accumulation du capital qui le plonge dans des crises endémiques et permanentes sans fin et qui l’empêche de s’autoréguler par lui-même. Il faut savoir que l’économie capitaliste n’est pas une économie faite pour satisfaire les besoins humains mais pour générer des richesses et de l’argent pour une poignée de profiteurs et d’exploiteurs. C’est pourquoi l’économie capitaliste est traversée sans cesse par des contradictions insurmontables, celles de la surproduction et de la sous-consommation, de l’abondance et de la pénurie, et des richesses et de la paupérisation.

Les crises endémiques du mode de production capitaliste sont engendrées par cette loi fondamentale, la baisse tendancielle du taux de profit. En effet, la surproduction inhérente au capital créateur de plus-value est par définition liée à la pénurie et à la sous-consommation. Le couple surproduction - pénurie est inscrit dans tout le cours du capital, car sa « productivité », c’est-à-dire sa capacité de faire des profits, est en diminution constante tout au long du cycle et au fur et à mesure de la baisse du taux de profit. Cela signifie concrètement que sur une composition organique déterminée du capital, une même somme de valeurs rapporte de moins en moins de profits de sorte que la masse énorme de capital se valorise toujours péniblement. Le capital qui est par définition production de plus-value ne peut plus alors fonctionner en tant que tel, se reproduire tout entier. Le capital non valorisé ou dévalorisé est un capital détruit, mort, un capital cadavérique. La crise est ainsi le tournant où la surproduction se mue en pénurie de capital. Ce renversement s’effectue lorsque la masse de plus-value extorquée(heures de travail non payés) ne suffit plus à valoriser la masse du capital accumulé. Surproduction ne signifie pas autre chose que surproduction de moyens de production qui entraîne à son tour chute du taux d’exploitation au-dessus d’un certain niveau, perturbations et arrêts du procès de production capitaliste.

Le système capitaliste est donc une économie qui est en crise permanente et il ne connaît aucun répit. Les schémas et les cycles Juglar, Schumpeter etc sont faux, car il est impossible de tracer des frontières entre les périodes de crises du capitalisme et celles où il ne l’est pas. Il est faux de dire qu’à telle période, il y a crise et qu'à telle autre période, il n’y en a pas. Les périodes de crise ou de non-crise correspondent en réalité à des crises de surproduction soit générales soit partielles. Les crises de surproduction généralisées ont trouvé leurs solutions dans deux guerres mondiales qui ont fait plus de cent millions de morts. Quels sont les critères qui délimitent les périodes de crises ou de non crises ? il n’y en a aucun, car on retrouve aussi bien pendant les crises ou que dans celles de non-crise, les mêmes effets immuables: licenciement massif de salariés jetés sur le pavé ; faillite de capitalistes qui, privés de la manne des profits, arrêtent leurs usines et leurs machines encore en état de fonctionner. Les crises partielles du capitalisme sont maquillées par le système de crédit qui a porté à l’éléphantiasis la production dans tous les secteurs. Le système de crédit a été conçu comme une solution alternative aux guerres sanguinaires et aux champs de bataille pour conjurer les crises en donnant un certain pouvoir d’achat aux salariés. Mais il ne suffit pas de distribuer de l’argent pour doper ou droguer l’économie, harmoniser production et consommation et remédier au déséquilibre entre la surproduction et la sous-consommation. Ce n’est pas parce que l’on met plus d’argent en circulation que l’on résorbera la surproduction, car l’argent est lié aux revenus et directement ou indirectement à l’emploi d’une part et à la masse et à la qualité de la production d’autre part. La surproduction et donc la mévente fait baisser les salaires et les profits entraînant licenciement dans telle branche ou dans telle autre.

INSTRUMENTALISATION DES CRISES DU CAPITALISME

Les crises endémiques du mode de production capitaliste sont du pain béni pour les classes dominantes et la propagande politique s’en sert comme arme psychologique pour domestiquer les classes exploitées et pour opérer des restructurations et délocalisations en vue de l’augmentation de la rentabilité et de la productivité du capital investi. Les crises du capitalisme sont instrumentalisées pour lutter contre cette inflexible et redoutable loi, qu’est la baisse tendancielle du taux de profit. La propagande politique dans les Etats capitalistes en crise joue sur la peur du chômage pour redonner légitimité au Capital et faciliter la mise en œuvre de plans libéraux d’austérité. La propagande capitaliste utilise le chômage de masse pour légitimer la surexploitation de la force du travail. Rappelons que les deux formes principales d’exploitation qui sont inhérentes au système capitaliste sont : l’augmentation de la durée de la journée de travail et la diminution du salaire. Le but de la propagande politique consiste à faire un bon usage de la crise pour paralyser la combativité des salariés et pour semer la peur et la panique psychique au sein des classes exploitées. Quand les classes exploitées sont gagnées par la peur, elles sont paralysées et elles sont incapables de mener des actions contre les politiques libérales visant à augmenter la durée du travail et à baisser les salaires. La crise doit être systématiquement exploitée pour cultiver la résignation populaire en jouant systématiquement sur la peur du chômage qui apparaît lui-même dans cette perspective comme un appui inappréciable pour les classes capitalistes. Exploité à bon escient, le chômage de masse, permanent et menaçant, est un rouage essentiel dans le fonctionnement du système capitaliste. Un vieil adage du capitalisme infantile doit être sans cesse présent à l’esprit de chaque salarié: si deux patrons courent après un ouvrier, le salaire monte mais si deux ouvriers courent après un seul patron, le salaire baisse. Hors de ce précepte, point de salut. Un chômeur de plus, c’est une véritable aubaine pour le capitaliste et le chômage apparaît comme le début de la sagesse sociale. L’insécurité de l’emploi et la hantise du chômage ont pour but d’affaiblir la résistance et la combativité des individus abattus moralement et psychologiquement. Les crises endémiques ont toujours été une aubaine pour les États et les classes capitalistes qui s’en servent comme un mode de gestion de la société. Il suffit tout simplement de faire un bon usage des crises du capitalisme pour domestiquer le peuple et les masses en leur apprenant le civisme économique et politique ainsi que l’obéissance aveugle aux ordres et aux injonctions de leurs maîtres et leurs donneurs d’ordre. À cet égard, les crises jouent un rôle pédagogique, car elles modifient la posture psychologique des peuples et des masses qui sont obligés de subir toute leur vie les effets ravageurs et destructeurs de la loi de la jungle capitaliste.

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Tags : BANQUES, capitalisme, CRISE, etat sioniste
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15 novembre 2008
LE G20 AU CHEVET D'UN CAPITALISME EN PHASE TERMINALE

LES DIRIGEANTS DU G20 AU CHEVET D’UN CAPITALISME EN PHASE TERMINALE

Le groupe G20 se réunit ce week end à Washington pour débattre de la crise financière qui secoue le monde capitaliste depuis la faillite des grandes banques et des compagnies d’assurance aux Etats-Unis et en Europe. À cette réunion appelée « sommet des marchés financiers et l’économie mondiale » participent 21 pays (Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Etats-Unis, France, Inde, Corée du Sud, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie), l’Union européenne représentée par Sarkozy et Barorso, quatre organisations mondiales, l’ONU, la Banque mondiale, le FMI et le Club de réflexion sur la finance mondiale. Deux États membres de l’Union européenne ont décidé de participer à la réunion de Washington, l’Espagne et les Pays-bas. La réunion connue sous le nom de G 20 est consacrée à la recherche de nouvelles bases destinées à relancer l’économie mondiale et à édicter de nouvelles règles relatives au système financier international.

Ce sommet du G 20 représente un tournant dans l’histoire du monde et l’histoire le prouvera d’ici quelles années. Il traduit un changement radical dans les rapports de force entre l’Occident et le reste du monde. C’est la fin du capitalisme qui est aussi celle de l’hégémonie occidentale qui dure depuis plus de cinq siècles, plus précisément depuis la découverte du Nouveau Monde en 1492. il y a encore quelques mois, ce sont les Etats capitalistes du Centre(Etats-Unis, Europe) qui dictaient leur loi aux autres Etats de la planète et qui décidaient à l’avance et les règles du jeu et les acteurs participants au jeu. Il suffit de voir avec quelle arrogance les quelques puissances capitalistes au XIXe siècle et jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale (Angleterre, France, Allemagne, Russie, Italie) se comportaient quand il a fallu dépecer l’Empire ottoman, « l’homme malade de l’Europe », coloniser tout un continent(Conférence de Berlin 1885) ou créer à la carte une myriade d’Etats dans la région du Moyen-Orient ou sur le continent indien(quatre Etats). Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis avaient imposé au monde entier lors de la Conférence Monétaire réunie à Bretton-Woods le 27 juillet 1944 son Gold Exchange Standard ou étalon-or. Cette suprématie monétaire américaine a duré jusqu’au 15 août 1971 date de la non convertibilité du dollar en or. Pour couvrir leursguerres impérialistes, les Etats capitalistes ont créé l’ONU et son conseil de sécurité devenu un simple bureau d’enregistrement de mandats à imposer aux pays conquis par la force et la violence. Au sein du GATT d’hier et de l’OMC aujourd’hui, les Etats du tiers-monde étaient le cadet des soucis des Etats capitalistes qui imposaient leur loi et leurs règles en matière de commerce international en refusant constamment d’abaisser leurs tarifs douaniers. Les échecs successifs des négociations commerciales lors des différentes sessions de l’OMC et du cycle de Doha traduisent à la fois l’arrogance et l’intransigeance des Etats capitalistes en matière de commerce international. Depuis les années 1960, les États du Tiers-monde ont essayé d’instaurer un Nouvel Ordre Economique International mais sans résultat. Il a fallu la crise financière actuelle pour que les Etats capitalistes du Centre(Etats-Unis et Europe) découvrent enfin et comme par hasard qu’il existe des Etats du Tiers-monde à qui ils demandent de l’aide financière et commerciale pour sauver un système capitaliste en fin de vie. Les Etats du Tiers-monde n’ont d’ailleurs aucun intérêt à maintenir un système fondé sur le pillage de leurs ressources naturelles et de leur sous-développement chronique. Bien au contraire, leur salut réside justement dans la destruction du capitalisme.

Désorientés, déprimés, maniaco-dépressifs, les dirigeants des Etats capitalistes sont plongés dans le désarroi total, ils ferraillent partout et ils ne savent plus sur quel pied danser. Depuis la faillite en série des grandes banques et des sociétés d’assurance aux Etats-Unis et en Europe, on ne compte plus les réunions et les sommets consacrés à la crise. Les plans de sauvetage se multiplient un peu partout dans les pays capitalistes appuyés par une armée d’experts en économie qui cherchent à rassurer des opinions publiques traumatisées après des décennies de propagande archéo-libérale qui leur promettait un nouveau paradis terrestre avec la restauration de la sacro-sainte loi du marché. Bien que l’argent public coule à flot, les résultats se font attendre et personne ne voit rien venir. Pire, après les banques, les compagnies d’assurances et les bourses, c’est au tour du secteur automobile, le seul secteur qui reste dans les Etats capitalistes du Nord, qui est sur le point de s’effondrer. Au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, les choses empirent et se dégradent jour après jour avec à la clé des millions de chômeurs de plus qui viendront gonfler une armée de pauvres, d’expropriés, de spoliés, d’exclus et de laissés pour compte. Si, malgré cette mobilisation sans précédent de moyens financiers, il n’existe aucune perspective encourageante et aucune lueur d’espoir, c’est que le remède administré n’est pas approprié au mal et c’est parce qu’il y a une erreur de diagnostic de la cause du mal qui ronge le cœur du système capitaliste du centre(Etats-Unis, Europe, Japon). Car si à ce jour les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous, c’est parce que ceux qui veulent soigner le malade n’arrivent pas à établir une distinction entre la cause du mal et ses symptômes pathologiques en prenant le symptôme pour la cause. La faillite du système financier actuel n’est pas la cause de la crise, elle en est seulement le symptôme et la pathologie et il ne suffit pas d’injecter des centaines et des milliers de milliards de dollars dans le circuit financier ou de réformer les fondements et les règles du système financier pour remettre le système en marche. Le mal qui ronge le système capitaliste n’est pas le manque d’argent ou le manque d’argent, mais son engorgement et son problème, pour paradoxal que cela puisse paraître, c’est qu’il y des capitaux colossaux amassés depuis une vingtaine d’années gagnés dans les spéculations boursières et qui se retrouvent sur le marché. La cause du mal réside aujourd’hui non pas dans le manque d’argent mais dans l’économie réelle qui est la seule génératrice de valeur et de plus-value. Revenons un instant à la période juvénile du capitalisme. Ce qui a contribué au développement du capitalisme Occidental malgré les crises qui le traversaient à intervalles réguliers, ce n’est pas le système bancaire ou le système financier mais l’industrie cotonnière, la sidérurgie, le charbon, les chemins de fer, le textile. Le coton a créé en grande partie la région industrielle moderne en Europe et aux Etats-Unis. C’est plutôt la croissance industrielle qui était le moteur du développement du système financier et non l’inverse. Ce qui a fait de l’Angleterre la première puissance industrielle, ce n’est pas la banque d’Angleterre qui existe depuis le XVIIe siècle mais les productions charbonnières et métallurgiques. On peut multiplier les exemples pour les autres Etats du Continent. Jadis quand le capital privé était en crise, les Etats nationaux venaient à son secours en l’aidant à retrouver après une période de convalescence un taux moyen de profit pour pouvoir rebondir de nouveau. Mais, aujourd’hui après les politiques de dérégulation en Europe et aux Etats-Unis, les Etats capitalistes se trouvent désarmés pour jouer le rôle qui était les leurs dans le passé. Du coup, tout ce qui a été fait et annoncé jusqu’ici depuis le début de la crise n’a eu aucun impact sur le cours des choses à juger par l’aggravation progressive de la situation. Jusqu’aux 1970, les Etats nationaux disposaient d’une relative marge de manœuvre en mettant en œuvre des plans anti-crises. Lors des précédentes crises, celles du début des années soixante-dix du XXe siècle, les Etats nationaux pouvaient encore agir par l’intermédiaire d’une politique de relance industrielle appuyée par des moyens financiers. L’argent pouvait encore servir à quelque chose pour produire des marchandises et extraire de la plus-value. Après un quart de siècle de politique de privatisation et de dérégulation, le potentiel industriel des pays capitalistes est anéanti et toutes les grandes industries qui avaient été à la base du développement du capitalisme en Europe et aux Etats-Unis ont été démantelés pour aller s’installer en Chine, en Asie du Sud est, en Amérique latine ou dans les autres pays du tiers-monde là où la main d’œuvre est marché. C’est pourquoi la crise actuelle ne ressemble à aucune des précédentes crises que le capitalisme a connues tout au long de son histoire.

Nous avons entendu par ci et par là des cris de désespoir appelant à la formation d’une gouvernance mondiale, la reforme du système financier et monétaire international. Les dirigeants du G 20 réunis à Washington espèrent mettre en place un nouveau Bretton-Woods en conférant au FMI un rôle plus actif dans la réforme du système financier international. Cette mobilisation internationale de tous les Etats de la planète actuelle pour affronter la crise actuelle prouve une seule chose, l’incapacité des Etats nationaux à agir comme ce fut le cas dans le passé. Force est de constater que face à l’enjeu, les Etats nationaux se trouvent désarmés et ils sont obligés de s’unir tous ensemble pour trouver des solutions de sortie de crise. Mais cette tâche se révèle titanesque, car on ne voit pas comment ils vont pouvoir inventer des recettes miracles maintenant qu’ils se trouvent privés de tout moyen d’action sur l’économie réelle. La réforme des institutions financières n’est qu’une solution en trompe-l’oeil, car le problème primordial n’est pas la finance mais l’économie réelle, c’est-à-dire l’industrie et le commerce. Cette réunion du G20 n’est donc qu’une mise en scène médiatique de plus sans réelles retombées économiques, car la crise n’est plus une crise nationale ou régionale mais une crise mondiale, c’est-à-dire celle de tout un système. Qui dit système, dit multiplicité d’éléments, de paramètres et de variables d’une extrême complexité dont la maîtrise serait hors de portée des Etats. C’est pourquoi la crise que nous vivons aujourd’hui n’est pas une simple crise économique passagère qui sera vite résorbée à coup de plans de sauvetage et de milliards de dollars ou d’euros ou de réformes du système financier international mais elle est au fond la dernière crise qui sonne le glas de tout un système, le mode de production capitaliste. Le malade est trop atteint pour se remettre et le capitalisme aujourd’hui ressemble à bien des égards à l’Homme malade de l’Europe à la fin du XIXe siècle, l’Empire Ottoman. Le système capitaliste est en phase terminale et il ne reste pas grande chose à faire sauf les prières et l’appel au miracle. Mais avant qu’il rende son dernier soupir, un conseil aux dirigeants du G 20 réunis à Washington: au lieu des Livres saints, munissez-vous plutôt du Capital de Karl Marx pour mieux comprendre la cause de la mort du système au chevet duquel vous vous trouvez en ce moment. D’avance, nous vous présentons nos sincères condoléances.

FAOUZI ELMIR

Mots-clé : Réunion G 20, capitalisme, crise

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28 octobre 2008
KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME(5)

KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME

(TEXTES ET DOCUMENTS)(5)

L’argent est le Dieu des marchandises. Il représente l’existence céleste des marchandises, tandis qu’elles représentent son existence terrestre ». Cette phrase de Karl Marx dans les Grundrisse illustre parfaitement l’état de fin du monde qui agite aujourd’hui l’internationale capitaliste. Les économistes classiques et les monétaristes nous ont toujours dit que la monnaie est un simple instrument d’échange et une unité de compte destinés à faciliter les opérations entre les différents agents économiques. Mais la question qui se pose immédiatement : comment un soit-disant simple instrument d’échange qu’est la monnaie peut-il remuer ciel et terre au point qu’il domine l’actualité nationale et internationale ? Comment un si futile objet, un chiffon en papier, une pièce en métal est-il devenu la préoccupation principale des décideurs politiques qui passent leur temps à échafauder des plans de sauvetage pour sauver des banques en faillite et à dépenser des milliards pour venir en aide à un système financier en déconfiture ? Si l’on cherche à comprendre pourquoi ce remue-ménage, il n’est pas difficile de trouver la réponse. La monnaie ou l’argent est certes un instrument de paiement et une unité de compte mais elle est aussi et avant tout un instrument d’exploitation et d’asservissement du salarié par le capitaliste. En effet, c’est grâce au salaire qu’il verse à l’ouvrier que le capitaliste extorque la plue-value, le profit. Avec le profit généré par le premier cycle de production et de circulation des marchandises(M-A-M), le capitaliste renouvelle l’opération pour en récolter un peu plus de profits et ainsi de suite jusqu’à l’infini(A-M-A). Le moindre mal pour le genre humain eût été que l’argent reste confiné à la seule sphère de la production et de la consommation des biens. Or il n’en est rien avec l’avènement du mode de production capitaliste où l’argent a débordé les limites de l’activité productive proprement dite pour devenir le facteur déterminant de toutes les relations humaines. C’est cette idée de marchandisation du monde que Marx expose dans ce texte sur l’argent extrait de la première critique de l’économie politique, les Manuscrits de 1843-1844. Critique de l’économie politique, les Manuscrits de 1844, dans Engels-Marx, La première critique de l’économie politique, Ecrits de 1843-1844, Paris, UGE,1972.10/18. 188-199.

L'ARGENT

A quel point l'argent, qui à l'origine n'est qu'un moyen, est devenu la vraie puissance et le but unique - à quel point, en général, le moyen qui fait de moi un être, qui fait mien l'être objectif, étranger, devient un but en soi... on peut le voir à la façon dont la propriété foncière, là où la terre est la source de vie, de même que le cheval et l'épée, là où ils sont les vrais moyens de subsistance, sont aussi reconnus comme les vrais facteurs politiques domi­nants de la vie. Au Moyen Age, une classe est émancipée dès qu'elle a le droit de porter l'épée. Dans les popula­tions nomades, c'est le cheval qui fait de moi un homme libre, un membre à part entière de la communauté.

1-Matérialité et idéalité de l'argent

Malgré les finesses de l'économie politique moderne, son opposition au système monétaire ne peut aboutir à une victoire décisive. Prisonniers de leur foi superstitieuse dans l'argent matériel, palpable, visible, peuples et gouverne­ments croient en la valeur absolue des métaux précieux et ils tiennent leur possession comme l'unique réalité de la richesse. L'économiste éclairé et informé leur montre que l'argent est une marchandise comme les autres, dont la valeur, comme celle de toute autre marchandise, dépend du rapport entre les frais de production et l'offre et la demande (la concurrence); du rapport entre la quantité ou la concur­rence des autres marchandises. On lui répond alors fort justement que la valeur réelle des choses est la valeur d'échange, que celle-ci réside en dernière analyse dans la monnaie, incarnée par les métaux précieux, que l'argent est la vraie valeur des choses et donc la chose la plus désirable... En dernière analyse, l'enseignement de l'écono­miste aboutit à la même sagesse, à ceci près toutefois que sa capacité d'abstraction permet à l'économiste de reconnaître l'incarnation de l'argent dans toutes les formes de marchandises et de ne pas croire, par conséquent, en la valeur exclusive de son incarnation métallique et offi­cielle. En effet, l'incarnation métallique de l'argent n'est que l'expression officielle, empirique de l'âme monétaire qui anime tous les membres de la production et toute l'évolution de la société bourgeoise.

L'opposition des économistes modernes au système moné­taire se réduit à cela : ils ont compris l'essence de l'argent dans son abstraction et dans son universalité et ils se sont émancipés de la superstition matérialiste qui consiste à croire que cette essence ne s'incarne que dans les seuls métaux précieux. A cette superstition grossière, ils ont substitué une superstition raffinée. Mais comme toutes les deux ont une racine commune, la superstition éclairée n'arrive pas à éliminer la superstition grossièrement maté­rialiste parce qu'elle ne conteste pas son essence, mais seulement une forme particulière de cette essence.

2 Le papier-monnaie

Si nous considérons l'argent non seulement comme une puissance intérieure, cachée, existant en soi, qui détermine le rapport d'égalité ou de hiérarchie entre les marchan­dises, mais aussi comme une réalité incarnée dans une existence individuelle, cette existence est d'autant plus adé­quate à l'essence de l'argent qu'elle est abstraite et que le rapport de l'argent aux autres marchandises est moins naturel. Plus l'argent apparaît comme le produit de l'homme, plus il apparaît comme n'étant pas un produit humain, moins on lui attribue une origine naturelle : étant de plus en plus une création de l'homme, sa valeur en tant qu'argent est, pour parler comme les économistes, de plus en plus inversement proportionnelle à sa valeur d'échange au à la valeur monétaire de la matière dans laquelle il est réalisé. C'est pourquoi le papier-monnaie et le nombre de représentants en papier de l'argent (tels que les lettres de change, mandats, obligations) sont une forme perfectionnée de l'argent et constituent un moment néces­saire dans le progrès du développement de l'argent.

3 Le crédit

Dans le système du crédit, dont l'expression achevée est le système de la banque, on a l'impression que la puis­sance du pouvoir étranger, matériel, est brisé, que l'état d'aliénation, de soi est aboli et que l'homme se trouve de nouveau dans des rapports humains avec l'homme.

Trompés par cette apparence, les saint-simoniens consi­dérant le développement de l'argent, des lettres de change, des billets de banque, les substituts en papier de l'argent, le crédit, la banque comme une abolition progressive de la séparation de l'homme et des objets, du capital et du travail, de la propriété privée et de l'argent, de l'argent et de l'homme - la fin de la séparation de l'homme d'avec l'homme. Ils ont donc pour idéal le système bancaire orga­nisé. Mais cette suppression de l'aliénation, le retour de l'homme à lui-même et donc à autrui n'est qu'illusion. C'est une aliénation de soi, une déshumanisation d'autant plus infâme et plus extrême que le milieu où elle sévit n'est plus la marchandise, le métal, le papier, mais l'exis­tence morale, l'existence communautaire, les tréfonds du coeur humain: sous l'apparence de la confiance de l'homme en l'homme, c'est la suprême défiance, l'aliénation achevée.

Qu'est-ce qui constitue l'essence du crédit ? Nous faisons ici totalement abstraction du contenu du crédit, qui est toujours l'argent. Nous ne considérons donc pas le contenu de cette confiance, c'est-à-dire le fait qu'un homme recon­naît l'autre en lui avançant des valeurs. [Dans le meilleur cas, c'est-à-dire quand il ne se fait pas payer le crédit, autrement dit quand il n'est pas usurier, le créancier consi­dère le débiteur non comme un fripon, mais comme un homme « bon o. Par « bon r, le créancier comme Shylock, entend « solvable »].

Le crédit n'est concevable que sous deux rapports et sous deux conditions différentes. Voici les deux rapports : 1) Un riche crédite un pauvre qu'il considère comme un homme travailleur et honnête. Dans ce genre de crédit se manifeste le côté romantique, sentimental de l'économie politique; il s'agit de ses égarements, excès et exceptions et non de la règle. Mais même si nous supposons cette exception, même si nous admettons cette possibilité roman­tique, nous voyons que la vie du pauvre, ses talents et son activité ne représentent aux yeux du riche qu'une garantie du remboursement de l'argent prêté. Autrement dit, toutes les vertus sociales du pauvre, le contenu de son activité sociale, son existence elle-même, représentent pour le riche le remboursement de son capital avec les intérêts ordi­naires. La mort du pauvre est dès lors le pire incident pour le créancier. C'est la mort de son capital et en plus de ses intérêts. Pensez à ce qu'il y a d'abject dans le fait d'estimer un homme en argent, comme cela se passe dans le crédit. Il va sans dire qu’outre des garanties morales, le créancier a à sa disposition des garanties et des contraintes Juridiques, pour ne rien dire des autres garan­ties plus ou moins réelles.

Lorsque celui qui reçoit le crédit est lui-même fortuné, le crédit n'est plus que l'intermédiaire commode de l'échange : c'est l'argent lui-même élevé à une forme com­plètement idéale. Le crédit est la forme sous laquelle l'éco­nomie politique juge la moralité des hommes. Dans le crédit, au lieu de métal et de papier, c'est l'homme lui-­même qui devient le médiateur de l'échange, non pas en tant qu'homme, mais en tant qu'incarnation d'un capital porteur d'intérêts. En se dépouillant de sa forme maté­rielle, le moyen de l'échange a sans doute fait retour à l'homme et s'est réinstallé dans l'homme, mais unique­ment parce que l'homme est lui-même jeté hors de soi et parce qu'il est devenu pour lui-même un être matériel. Ce n'est pas l'argent qui s'abolit dans le système du crédit; c'est l'homme lui-même qui se change en argent. Autre­ment dit l'argent s'incarne en l'homme. L'individualité humaine, la morale humaine se transforment à la fois en article de commerce et en incarnation matérielle de l'ar­gent. Au lieu de l'argent, du papier, c'est mon existence personnelle, ma chair et mon sang, ma vertu sociale et ma réputation sociale qui sont la matière, le corps de l'esprit­, argent (Geldgeist). Le crédit exprime (scheidet) la valeur monétaire non pas en pièces de monnaie mais en mor­ceaux de chair humaine, de cœur humain. A telle enseigne que tous les progrès et toutes les inconséquences au sein d'un faux système sont la suprême régression et la suprême conséquence de l'abjection.

Au sein du système du crédit, la nature aliénée de l'homme s'affirme doublement sous l'apparence de la suprême reconnaissance économique de l'homme:

1) L'opposition entre le capitaliste et l'ouvrier, entre le grand capitaliste et le petit capitaliste, s'accroît puisque le crédit n'est accordé qu'à celui qui possède déjà un avoir, et qui offre au riche une nouvelle chance d'accumulation, tandis que le pauvre voit que toute son existence dépend entièrement du hasard puisque sa vie dépend du bon plaisir et du jugement fortuit du riche.

2) Le faux-semblant, l'hypocrisie et la tromperie réci­proque sont poussés à leur comble; celui qui n'a point de crédit n'est pas seulement qualifié de pauvre; il est aussi jugé moralement comme quelqu'un qui ne mérite ni confiance, ni estime, comme un paria, un mauvais élément; outre les privations, le pauvre subit cette humiliation et il doit s'abaisser à mendier le crédit du riche.

3) Grâce à cette existence toute idéale de l'argent, l'homme peut devenir un faux-monnayeur opérant non avec une matière quelconque mais avec sa propre per­sonne : forcé de faire de la fausse monnaie avec sa propre personne, il doit simuler, mentir, etc. pour obtenir du cré­dit. Ainsi le crédit devient aussi bien du côté de celui qui fait confiance que de celui qui en est le bénéficiaire, un objet de trafic, de tromperie et d'abus réciproque.

En outre on voit apparaître ici avec éclat qu'à la base de la confiance selon l'économie politique se trouve la pure méfiance - un système qui implique l'examen soup­çonneux, voire l'espionnage des secrets de la vie privée, etc. du demandeur de crédits, ou encore la divulgation de difficultés momentanées, pour éliminer un rival en ébranlant soudainement son crédit, etc. Tout le système des faillites, d'entreprises fictives... Dans le crédit public, l'Etat se, trouve dans la même position que l'homme privé dont il a été question plus haut... Dans le jeu sur les valeurs­papiers de l'Etat, on voit combien l'Etat est devenu le jouet des commerçants, etc.

4) Enfin le système du crédit trouve son achèvement dans le système de la banque. Création du banquier, la banque devient un pouvoir public; elle concentre la fortune entre ses mains et s'impose comme l'aréopage éco­nomique de la nation: voilà le digne achèvement du sys­tème monétaire. Puisque dans le système de crédit la reconnaissance morale d'un homme, tout comme la confiance en l'Etat, etc., a reçu la forme du crédit, le mystère qui se cache dans le mensonge de la reconnais­sance morale, à savoir l'infamie immorale de cette mora­lité, tout comme l'égoïsme qui prend l'apparence sublime de la « confiance en 1'Etat », éclatent au grand jour et apparaissent tels qu'ils sont en réalité.

4 . L'argent et la possession des valeurs

Du fait qu'il possède la qualité de tout acheter et de s'approprier tous les objets, l'argent est l'objet dont la pos­session est la plus éminente de toutes. L'universalité de sa qualité est la toute-puissance de son essence. II passe donc pour tout-puissant... L'argent est le médiateur entre le besoin et l'objet, entre la vie et le moyen de subsistance de l'homme. Mais ce qui sert de médiateur à ma vie, sert aussi de médiateur à l'existence des autres hommes pour moi. Pour moi, l'argent c'est l'autre homme.

Que diantre! il est clair que tes mains et tes pieds

Et ta tête et ton derrière sont à toi;

Mais tout ce dont je jouis allègrement M'en appartient-il moins ?

Si je puis me payer six étalons,

Leurs forces ne sont-elles pas miennes ?

Je mène bon train et suis un gros monsieur, Tout comme si j'avais vingt-quatre pattes. Goethe: Faust (Méphistolès).

Shakespeare dans Timon d'Athènes:

« De l'or! De l'or jaune, étincelant, précieux! Non, dieux du ciel, Je ne suis pas un soupirant frivole... Ce peu d'or suffirait à rendre blanc le noir, beau le laid, juste l'injuste, noble l'infâme, jeune le vieux, vaillant le lâche... Cet or écartera de vos autels vos prêtres et vos serviteurs; il arrachera l'oreiller de dessous la tête des mourants; cet esclave jaune garantira et rompra les serments, bénira les maudits, fera adorer la lèpre livide, donnera aux voleurs place, titre, hommage et louange sur le banc des sénateurs; c'est lui qui pousse à se remarier la veuve éplorée. Celle qui ferait lever la gorge à un hôpital de plaies hideuses, l'or l'embaume, la parfume, en fait de nouveau un jour d'avril. Allons, métal maudit, putain commune à toute l'humanité, toi qui mets la discorde parmi la foule des nations...

Et plus loin :

Ô toi, doux régicide, cher agent de divorce entre le fils et le père, brillant profanateur du lit le plus pur d'Hymen, vaillant Mars, séducteur toujours Jeune, frais, délicat et aimé, toi dont la splendeur fait fondre la neige sacrée qui couvre le giron de Diane, toi dieu visible qui soudes ensemble les incompatibles et les fais se baiser, toi qui parles par toutes les bouches et dans tous les sens, pierre de touche des coeurs, traite en rebelle l'humanité, ton esclave, et par ta vertu jette-là en des querelles qui la détruisent, afin que tes bêtes aient l'empire du monde.

Shakespeare décrit parfaitement l'essence de l'argent. Pour le comprendre, commençons d'abord par expliquer le passage dé Goethe :

Ce que je peux m'approprier grâce à l'argent, ce que je peux payer, c'est-à-dire ce que l'argent peut acheter, je le suis moi-même, moi le possesseur de l'argent. Ma force est tout aussi grande qu'est la force de l'argent. Les qualités de l'argent sont mes qualités et mes forces essentielles en tant que possesseur de l'argent. Ce que je suis et ce que je puis n'est donc nullement déterminé par mon indivi­dualité. Je suis laid, mais je peux m'acheter la plus belle femme. Donc je ne suis pas laid, car l'effet de la laideur, sa force repoussante, est annulé par l'argent. Personnelle­ment, je suis perclus, mais l'argent me procure vingt-quatre jambes; je ne suis donc pas perclus. Je suis, méchant, mal­honnête, sans conscience, sans esprit, mais l'argent est vénéré, donc aussi son possesseur. L'argent est le bien suprême, donc son possesseur est bon; l'argent m'évite en outre la peine d'être malhonnête et l'on me présume hon­nête. Je n'ai pas d'esprit, mais l'argent est l'esprit réel de toute chose, comment son possesseur pourrait-il ne pas avoir d'esprit! De plus, il peut s'acheter les gens d'esprit, et celui qui est le maître des gens d'esprit n'est-il pas plus spirituel que l'homme d'esprit ? Moi qui par l'argent peut avoir tout ce que désire un coeur humain, ne suis-je pas en possession de tous les pouvoirs humains ? Mon argent ne transforme-t-il pas toutes mes impuissances en leur contraire ?

Si l'argent est le lien qui me relie à la vie humaine, à la société, à la nature et à l'homme, l'argent n'est-i1 pas le lien de tous les liens ? Ne peut-il pas nouer et dénouer tous les liens? N'est-il pas non plus de ce fait le moyen universel de séparation? Il est la vraie monnaie divisionnaire comme le vrai moyen d'union, la force galvano­(universelle) de la société.

Shakespeare fait ressortir surtout deux propriétés de l’argent:

1- C'est la divinité visible, la métamorphose de toutes les qualités humaines et naturelles en leur contraire, la confusion et la Perversion universelle des choses; il fait fra­terniser les impossibilités,

2- C'est la prostituée universelle, l'entremetteur universel des hommes et des peuples.

La perversion et la confusion de toutes les qualités humaines et naturelles, la fraternisation des impossibilités - la force divine- de l'argent sont impliquées dans son essence en tant qu'essence générique aliénée, aliénante et s’aliénant, des hommes. Il est la puissance aliénée de l’humanité.

CE que je ne puis en tant qu'homme, donc ce que ne peuvent toutes mes forces essentielles d'individu, je le puis grâce à l'argent. L'argent fait donc de chacune de ces forces essentielles ce qu'elle n'est pas en soi; c'est-à-dire qu’il en fait son contraire.

Si j'ai envie d'un mets ou si je veux utiliser la diligence que je ne suis pas assez fort pour faire le trajet à pied, l'argent me procure le mets et la diligence, c'est­-à-dire qu'il transforme mes désirs en faisant passer leurs objets de la sphère de l'imagination, de la représentation, de la pensée et de la volonté, à l'existence sensible réelle, à la vie, à l'être réel. En tant que cette médiation, l'argent est la force vraiment créatrice.

La demande existe bien pour celui qui n'a pas d'argent, mais sa demande n'est qu'une chose imaginaire qui n'a aucun effet, aucune existence pour moi, pour toi, pour les autres et qui reste donc pour moi une chose irréelle sans objet. La différence entre la demande effective, basée sur l'argent, et la demande sans effet, basée sur mon besoin, ma passion, mon désir, etc., est la différence entre l'Etre et la Pensée, entre la simple représentation existant en moi et la représentation telle qu'elle est pour moi en dehors de moi en tant qu'objet réel.

Si je n'ai pas d'argent pour voyager, je n'ai pas le besoin, de voyager c'est-à-dire un besoin réel, se traduisant dans les actes. Si j'ai la vocation d'étudier mais que je n'ai pas l'argent pour le faire, je n'ai pas de vocation d'étudier, c'est-à-dire pas de vocation active, véritable. En revanche, si je n'ai réellement pas de vocation d'étudier, mais si j'en ai la volonté et l'argent, j'ai aussi une vocation effective. L'argent est le moyen et le pouvoir universels; tout en étant extérieurs, sans rapport ni avec l'homme en tant qu'homme ni avec la société en tant que société, ils ne permettent pas moins de transformer la représentation en réalité et la réalité en simple représentation. L'argent transforme les forces essentielles réelles de l'homme et de la nature en représentations purement abstraites et par suite en imperfections, en chimères et tourments, en même temps qu'il transforme les imperfections et chimères réelles, les forces essentielles réellement impuissantes qui n'existent que dans l'imagination de l'individu, en forces essentielles réelles et en pouvoir. Déjà d'après cette définition, il est donc la perversion générale de l'être même de la personne qu'il change en son contraire et lui confère des qualités qui contredisent ses qualités propres.

C'est aussi comme une telle force de perversion qu'il apparaît lorsqu'il se dresse contre l'individu et contre les liens sociaux, etc., qui prétendent être des essences pour soi. Il change la fidélité en infidélité, l'amour en haine, la haine en amour, la vertu en vice, le vice en vertu, le valet en maître, le maître en valet, l'idiotie en intelligence, l'intelligence en idiotie. Traduction active du concept de la valeur dans la réalité, l'argent confond et échange toutes choses, il est la confusion et !a permutation universelle de toutes choses : c'est le monde à l'envers, la confusion et la permutation de toutes les propriétés naturelles et humaines.

Qui peut acheter le courage est courageux, même s'il est lâche. Comme l'argent ne s'échange pas contre une qua­lité déterminée, contre une chose déterminée, contre des forces essentielles de l'homme, mais contre tout le monde objectif de l'homme et de la nature, il échange donc, du point de vue de son possesseur, n'importe quelle qualité contre n'importe quelle autre, même contraire, et l'objet qui leur correspond; il est la fraternisation des impossibi­lités. Il force les contraires à s'embrasser.

Suppose que l'homme devient humain, suppose que son rapport au monde devient un rapport humain, et tu ne pourras échanger que l'amour contre l'amour, la confiance contre la confiance, etc. Si tu veux jouir de l'art, il te faudra être un homme ayant une culture artistique; si tu veux exercer de l'influence sur d'autres hommes, il te fau­dra être un homme pouvant agir d'une manière réellement animatrice et stimulante sur les autres hommes. Chacun de tes rapports à l'homme - et à la nature - devra être une manifestation déterminée, répondant à l'objet de ta volonté, de ta vie individuelle réelle. Si tu aimes sans pro­voquer d'amour réciproque, c'est-à-dire si ton amour, en tant qu'amour, ne provoque pas l'amour réciproque, si par ta manifestation vitale en tant qu'homme aimant tu ne te transformes pas en homme aimé, ton amour est impuissant - un malheur.

5 L'argent comme médiateur

En définissant l'argent comme le médiateur de l'échange, Mill saisit dans son concept l'essence même de la chose. Ce qui constitue l'essence de l'argent n'est pas le fait que la propriété s'aliène en lui; c'est que l'acte ou le mouvement médiateurs, l'activité humaine, sociale par laquelle les pro­duits humains se complètent réciproquement, deviennent étrangers à eux-mêmes et se transforment en propriété d'un objet matériel, extérieur à l'homme: l'argent. En dénatu­rant ainsi cette activité médiatrice, l'homme n'agit plus en tant qu'homme: il renonce à lui-même et se déshumanise. Le rapport même entre les choses, l'activité qui s'exerce sur elles deviennent l'oeuvre d'un être extérieur à l'homme et supérieur à lui. Au lieu que, l'homme soit lui-même le médiateur pour l'homme, c'est un être étranger qui sert de médiateur, et l'homme regarde en lui sa propre volonté, sa propre activité, son propre rapport avec autrui comme une puissance indépendante de lui et des autres.

On comprend dès lors que ce médiateur se change en un véritable dieu. En effet, c'est toujours le médiateur qui règne en maître sur les choses avec lesquelles il m'unit. Son culte devient une fin en soi. Privés de ce médiateur, les objets perdent toute valeur car ils ne valent qu'autant qu'ils sent ses représentants, tandis qu'à l'origine il sem­blait que l'argent n'avait de valeur que dans la mesure où il était leur représentant. Ce renversement du rapport ori­ginel est nécessaire.

Il s'ensuit que ce médiateur forme l'essence de la pro­priété privée qui a renoncé à être elle-même, qui s'est alié­née. Il est la propriété privée devenue étrangère à elle­même, dépouillée d'elle-même. II est la médiation aliénée entre les productions humaines et l'activité aliénée de l'espèce humaine. Tout ce qui relève de l'activité géné­rique dans la production est dès lors transféré à ce média­teur. L'homme en tant qu'homme, c'est-à-dire considéré en dehors de ce médiateur, devient d'autant plus pauvre que ce dernier devient plus riche.

Le Christ représente originellement : 1. Les hommes devant Dieu; 2. Dieu pour les hommes; 3. Les hommes pour l'homme.

De même l'argent représente originellement et selon son concept même : 1. La. propriété privée pour la propriété privée; 2. La société pour la propriété privée; 3. La pro­priété privée pour la société.

Mais Christ est le Dieu aliéné et l'homme aliéné. Dieu n'a de valeur que dans la mesure où il représente Christ, et l'homme n'a de valeur que dans la mesure où il représente Christ. II en est ainsi de l'argent.

Pourquoi la, propriété privée doit-elle aboutir à l'argent ? Parce que l'homme, être social, doit échanger et parce que dans le cadre de la propriété privée, l'échange doit aboutir ­à la valeur. Le processus de médiation entre les échangistes n'est pas un mouvement social, humain. Il n'est pas un ra­pport humain, mais le rapport abstrait entre propriétés privées, et ce rapport abstrait est la valeur qui ne devient réellement existante qu'en tant qu'argent. Puisque les échangistes ne se comportent pas en hommes dans leurs rapports mutuels, l'objet perd sa signification de propriété humaine personnelle. Le rapport social de propriété privée à propriété privée est déjà un rapport où la propriété pri­vée est aliénée à elle-même. Ce rapport devenu une réalité existant pour soi, c'est l'argent, par conséquent, l'argent est l'aliénation de la propriété privée, l'abstraction de sa nature spécifique, personnelle.

Posté par elmir à 09:03 - CRISE - Commentaires [0] - Rétroliens [0] - Permalien [#]
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24 octobre 2008
CE N'EST PAS UNE CRISE, C'EST LA FIN DE L'EMPIRE DU CAPITAL

CE N’EST PAS UNE CRISE, C’EST LA FIN DE L’EMPIRE DU CAPITAL

Depuis l’éclatement de la crise boursière et les faillites des grandes banques américaines, on ne compte plus le nombre de réunions des dirigeants des États capitalistes, des monarchies pétrolières et des pays producteurs du pétrole pour trouver une solution à la crise financière et boursière et pour éviter selon les économistes une récession. On ne compte plus le nombre de plans annoncés à coup de milliards d’euros et de dollars pour contenir les convulsions d’une crise qui s’annonce décisive voire fatale. Quand on entend les déclarations officielles, elles cherchent comme toujours à déplacer les vrais problèmes pour éviter de les aborder d’une façon frontale et pour ne parler des choses qui fâchent. Mais comme nous avons dit à plusieurs reprises, le capitalisme est à bout de souffle et vit ses derniers jours et la crise actuelle n’est pas une crise de plus, une de ces crises cycliques et chroniques qui ont émaillé l’histoire du capitalisme, mais elle est la dernière et elle est annonciatrice de la destruction d’un système dont les structures ont émergé il y a cinq siècles. L’affirmation selon laquelle la crise actuelle est une crise fatale n’est nullement gratuite, car elle s’appuie sur des éléments objectifs et sur la logique du fonctionnement et du développement du système capitaliste notamment depuis les années 1970.

Nous allons présenter procéder à une démonstration quasi mathématique pour déduire la conclusion que la crise actuelle du capitalisme n’est pas une crise comme les autres, qu’elle est la dernière et qu’elle annonce la fin du mode de production capitaliste. Soyons un peu pédagogiques et reprenons les choses selon l’ordre où elles se présentent. Le mode de production capitaliste est un mode historique de production et de consommation des biens matériels et il est composé des forces productives et des rapports de production. La contradiction entre les forces productives et les rapports de production détermine l’origine de la transformation et du développement du mode de production capitaliste. Le mode de production conditionne l’aspect d’une société et en fin de compte tout son système fondamental, ses lois, sa composition de classe, sa politique, sa morale. Les forces productives se composent essentiellement des outils de travail productifs ( des instruments de production) et des travailleurs qui produisent les biens matériels et immatériels. Les rapports sociaux qu’entretiennent les hommes entre eux dans la production constituent les rapports sociaux de production. L’état des rapports de propriété des moyens de production. La forme du système de propriété sur les moyens de production est le fondement des rapports de production. Chaque forme de propriété détermine la position qu’occupent les hommes au sein de la production et les rapports qu’ils entretiennent entre eux ; l’ensemble détermine la forme de répartition des marchandises et des richesses entre les hommes. Les rapports de production comprennent d’abord la forme du système de propriété sur les moyens de production et ensuite, la place qu’occupent les différents groupes sociaux dans la production et leurs rapports et enfin la répartition des produits déterminés par les deux aspects précédents. Certes, ces trois éléments influent les uns sur les autres mais l’élément déterminant demeure la forme du système de propriété des moyens de production, car il détermine la nature même des rapports de production.

Avec le développement de la propriété privée des moyens de production, la société s’est divisée en deux classes antagonistes : la classe possédante, la bourgeoisie ou la classe des capitalistes et la classe dominée, celle où elle n’a que sa force de travail à vendre moyennant un salaire lui permettant tout juste de se reproduire biologiquement pour qu’elle soit contrainte de revenir au lieu de travail tous les jours et durant toute sa vie. Autrement dit, ces deux classes occupent dans la structure de l’économie deux places fondamentalement différentes et antagonistes : une place de classe dominant et d‘exploiteur et une place de dominé et d’exploité. La cause en est, nous l’avons dit, est un rapport différent vis-à-vis des moyens de production.

Mais les classes ne sont pas seulement une catégorie économique mais elles sont aussi une catégorie sociale beaucoup plus vaste ; leur opposition et contradiction se manifestent dans la vie politique et intellectuelle. Comme les classes, l’État est une catégorie historique il est née avec les classes et disparaîtra avec elles. L’État n’a pas existé de tout temps, il est né en même temps que les classes. L’État n’est pas un organe fait pour les hommes vivant sur un territoire, c’est l’organe de la classe au pouvoir qui permet à celle-ci d’organiser sa domination politique, idéologique, intellectuelle, spirituelle et morale sur toute la société. La machine d’État est destinée à domestiquer les classes exploitées et à contenir la lutte des classes dans les limites d’un certain « ordre » et à maintenir la domination des classes exploiteuses. Telle est la fonction première et la tâche principale de l’Etat. Si l’État utilise la violence physique et symbolique pour à défendre les intérêts de la bourgeoisie à l’intérieur de ses frontières, il est aussi le seul organe habilité à déclencher des guerres drapées jadis sous l’étoffe du nationalisme et du porteur de la civilisation occidentale aux peuples conquis et colonisés. L’impérialisme qui est le fait des États capitalistes a permis l’expansion du capital autochtone au moment de ses crises et de ses convulsions.

Ces explications préliminaires sont nécessaires pour fixer les idées. Les keynésiens ne ratent jamais une seule occasion pour pavoiser en attribuant la solution de la crise de 1929 à leur champion, John Myenard Keynes et la « révolution keynésienne ». la théorie de Keynes est aussi fade et statique que celle des néo-classiques qui repose sur un mécanisme d’équilibre imaginaire. Le postulat de départ des keynésiens comme celui des économistes classiques ou néo-classiques est que les crises qui frappent le mode de production capitaliste à intervalles réguliers ont pour origine des facteurs exogènes apportés de l’extérieur dans le système et non pas comme quelque chose d’immanent au système. Ils (ces économistes) ont pensé pensent toujours qu’il suffirait d’introduire quelques correctifs pour rétablir les mécanismes d’équilibre automatiques. Ce sont ces faux postulats qui donnent des faux espoirs aux classes dominantes des États capitalistes de sauver leur navire à la dérive. Evidemment leur bâton de maréchal, c’est l’État et ses interventions pour influer sur les cours des choses et rétablir après coup l’équilibre qui prévalait avant la crise. Ils multiplient donc les réunions et les initiatives pour aider des faillites en faillites ou pour comme ils disent faire renaître la confiance entre les banquiers, les entreprises et les particuliers et remettre de l’ordre dans le système financier dans l’espoir de faire redémarrer la machine. C’est trop beau tout cet échafaudage, mais côté efficacité sur le terrain, c’est nul. Car, si l’on observe ce que font les dirigeants des États capitalistes, on peut dire sans se tromper qu’ils sont à côté de la plaque. D’abord, ils injectent des milliards et des milliards dans le système financier alors que le problème n’est le manque d’argent mais plutôt sa mise en valeur et sa fructification. Mais pour reprendre le schéma de Marx, c’est l’impossibilité de réaliser le cycle Argent-Marchandise-Argent(A-M-A). Depuis le déclenchement de la crise, on a jamais parlé de gros sous et de milliards mais la crise actuelle est une crise d’accumulation du capital.

Dans le passé, quand le capital ne parvenait à franchir cette étape décisive A-M-A, de la phase du capital à l’accumulation, l’État venait à son secours pour lui donner un « coup de main » destiné à l’aider à relever le taux de profit. l’intervention de l’Etat avait pour but d’aider la reproduction du capital et non pas comme pensent les néo-classiques et les keynésiens pour rétablir l’équilibre. Il ne s’agit pas pour l’État d’assurer l’équilibre de l’offre et de la demande, de la production et de la consommation, mais de produire des profits et d’assurer la valorisation du capital existant et son accumulation. Car un capital donné sous forme d’argent doit pour satisfaire aux conditions de la production capitaliste, se transformer en quantité supérieure de capital à travers le cycle de la reproduction A-M-A. Dans le mode de production capitaliste, toute production qui ne fournit aucune plus-value est de la production sans accumulation et se trouve en contradiction du mouvement du capital. une production qui n’est pas faite en vue de la création de la plus-value se heurte à des obstacles insurmontables. Le capital doit s’accumuler, c’est-à-dire ajouter une partie de la plus-value produite à la quantité de capital déjà pour obtenir un capital additionnel. Depuis toujours l’État a pris en charge une partie de la production sociale, celle qui assure les équipements et les infrastructures, industrie de l’armement indispensables à la circulation des marchandises et des hommes et à la réalisation du cycle de l’accumulation du capital. L’État participe au même titre que le capital privé au cycle de la reproduction et de l’accumulation du capital. Toute une partie de la production sociale est par conséquent assumée par l’Etat. Mais c’est le capital privé qui est assuré la majeure partie de la production sociale et en détermine les caractères et le développement. La production sociale reste déterminée par l’accumulation du capital global, c’est-à-dire par le capital privé et elle n’a rien à voir avec la lutte contre les crises au moyen de l’augmentation des dépenses publiques qui est un phénomène secondaire qui a toujours été intrinsèquement lié au développement du mode de production capitaliste. Il est faux de considérer que l’intervention de l’État dans l’économie date de Keynes et ce sont les recettes keynésiennes qui ont permis de surmonter la crise de 1929. de toutes façons, la politique de Keynes correspondait à une situation passagère et c’est pourquoi dans la crise actuelle, on n’évoque pas la solution keynésienne comme remède et comme solution. Les solutions apportées par les États capitalistes vont à l’encontre des recettes keynésiennes puisque les milliards dépensés, débloqués et promis vont aux banques et au secteur financier et non aux menages en vue d’une éventuelle relance de la demande qui relancer à son tour l’investissement et en dernier lieu l’emploi.

Avant le triomphe de l’archéo-libéralisme à la fin des années 1970 et la mise en place des politiques de dérégulation dans les États capitalistes, aux Etats-Unis et en Europe, l’État s’est vu dépouillé de cette fonction de régulation qui était la sienne depuis l’avènement du mode de production capitaliste. Ce dessaisissement a été imposé aussi par les impératifs de l’internationalisation du capital dont le champ d’action n’était plus les marchés nationaux mais la terre entière. Depuis plus d’un quart de siècle, les États ne jouent plus ce rôle de régulation et de mise à niveau du taux de profit nécessaire à l’accumulation du capital. Aujourd’hui, le capital est à nouveau confronté à crise d’accumulation mais c’est trop tard, car les Etats capitalistes du centre (Etats-Unis, Europe, Japon) qui l’ont accompagné pendant sa phase juvénile et d’adolescence ont été subalternisés et ils ne pourront en aucun cas venir à son secours pour le sortir de la nasse. La crise actuelle n’est pas une simple crise cyclique à laquelle les États capitalistes peuvent opposer des mesures anti-cycliques comme ce fut le cas dans le passé. La crise actuelle est une crise mondiale et elle n’est nullement comparable à celle de 1929 où la politique de New Deal était une mesure anticyclique destinée à l’endiguer. Même si nous admettions que la crise actuelle ressemble à celle de 1929, les États d’aujourd’hui n’ont plus des moyens d’action susceptibles d’influencer le cours des événements et d’aider le capital à se relever et à repartir de plain-pied. Tout ce que les Chefs d’État et de gouvernement capitalistes peuvent faire, ce sont des gesticulations et des effets d’annonces. Ils ont perdu pieds et l’on se demande s’ils sont bien conscients de ce qu’il leur arrive réellement. Les hommes politiques ont certes le sens de la navigation à vue et un bon quotient de voracité mais du point de vue de l'intellect, àa ne vole pas très haut. Ceux qui sont aux commandes du navire dans les pays capitalistes du centre ou leurs valets dans les pays du tiers-monde cherchent et vont chercher désespérément de sauver ce peut l’être. Mais il est trop tard, car le navire est en train de couler et ils vont tous finir comme ceux du Titanic, ironie du sort, naufragé il y a tout juste un siècle.

FAOUZI ELMIR

Mots-clés : crise, fin du capitalisme

Posté par elmir à 17:01 - CRISE - Commentaires [0] - Rétroliens [0] - Permalien [#]
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21 octobre 2008
COMMENT L'ARCHEO-LIBERALISME A-T-IL PRECIPITE LA CHUTE DU CAPITALISME?

COMMENT L’ARCHÉO-LIBÉRALISME A-T-IL PRÉCIPITÉ LA CHUTE DU CAPITALISME ?

Depuis quelques semaines, ce sont les bourses, les banques, les plans de sauvetage, la foire aux pognons, les interminables réunions des Chefs d’État et de gouvernement des pays capitalistes qui occupent le devant de la scène médiatique. Un seul absent de marque, l’idéologie qui a accompagné le capitalisme depuis le milieu des années 1970, l’archéo-libéralisme. Pourquoi ce silence soudain alors que les zélotes de cette idéologie étaient omniprésents, il y a encore quelques semaines, dans les mass medias qu’ils contrôlent depuis les années 80 du XXe siècle et qu’ils n’avaient pour Dieu que la sacro-sainte loi du marché ? Aujourd’hui, quand on entend Sarkozy vilipender le capitalisme financier et s’active pour sauver des banques en faillite, ce même Sarkozy et son gouvernement lançaient, quelques jours seulement avant la crise actuelle, la campagne de privatisation de la Poste suivant l’exemple de la Postbank en Allemagne. Pour mieux comprendre la clé de la crise actuelle annonciatrice à bien des égards de la chute finale du capitalisme, il est nécessaire de revenir au contexte économique et idéologique des années 1960-1970. Si l’on examine le contexte économique de l’époque, on constate que les pays capitalistes étaient plongés tous sans exception dans une crise profonde, inflation, chômage, déficit extérieur, récession etc. Quand on parle de crise dans le système capitalisme, il faut entendre par ce terme, une crise la surproduction qui entraîne par voie de conséquence la sous-consommation qui freine le cycle de la reproduction et de l’expansion du capital, sa valorisation et son accumulation. Autrement dit, la crise du capitalisme est celle du procès de l’accumulation du capital due à la baisse de la masse des profits.

Une crise dans le système capitaliste se manifeste par des symptômes et implique des effets. Les symptômes se traduisent par des données à la fois quantitatives et qualitatives. Les données quantitatives sont représentées par l’indice de la production industrielle, l’arrêt de sa progression, son fléchissement puis sa chute brutale; crise financière et commerciale; chute des prix (lire plutôt la valeur des marchandises). Les données qualitatives sont des facteurs psychologiques, des comportements et des attitudes des capitalistes qui refusent d’investir pour baisse de rentabilité de leurs capitaux investis et donc une masse insuffisante des profits. Car, quand les profits baissent, le capital devient furieux, il fait la gueule et il tient à le faire savoir en s’abstenant d’investir. Mais la logique implacable du système contraint le capitaliste à rechercher des solutions pour mettre en valeur son capital sous peine d’être détruit et de partir en fumée. Il cherche alors à développer les forces productives en substituant la machine à l’homme pour réaliser des gains de productivité dans l’espoir d’augmenter sa rentabilité. Quant aux effets de la crise, ils se manifestent par du licenciement massif de salariés jetés sur le pavé et par la faillite des capitalistes qui, faute de masse suffisante de profits, où ils ferment leurs usines en envoyant à la déchetterie des machines toujours en état de fonctionnement ou ils vont investir dans des secteurs plus rentables ou ils délocalisent leur production dans une zone géographique où la main d’œuvre est bon marché. Voilà quelques éléments annonciateurs du capitalisme.

Donnons à présent quelques chiffres pour montrer l’ampleur de la crise qui frappait le monde capitaliste dans ces années 1970. Dès le milieu des années 1960, la croissance d’après-guerre était en panne et les capitaux avaient de plus en plus de mal à se valoriser en générant une masse de profit suffisante. Les Etats-Unis et l’Europe gisaient dans cette fameuse « croissance zéro » avec le couple récession-chômage. Les pays capitalistes avaient alors plus de quinze millions de chômeurs et la production industrielle était au plus mal, en chute libre dans l’ensemble des pays de l’OCDE où elle reculait au taux annuel de 15%. La production industrielle en Italie et en Allemagne fédérale, la production industrielle est ainsi retombée aux niveaux atteints en 1970. Les prix de vente se sont effondrés: 30 à 40% de baisse sur les marchés d’exportation, 15% à 20% au sein du Marché commun. En Europe et surtout en France, les comptes d’exploitation étaient très lourdement déficitaires. Conséquence: le produit national brut (PNB) qui dépend étroitement de la production industrielle a pendant cette même période régressé dans tous les pays capitalistes sans exception, allant de 0,2% au Japon à 7,7% aux Etats-Unis, l’Allemagne, -7,2%, Italie – 5,8% et France -5%. Les augmentations de chômage d’une année sur l’autre ont été en moyenne de 60% : 103,5% au Danemark, 81,4% en Grande-Bretagne, 79,5% en Belgique et 71% en France. C’est dans ce contexte de crise du capitalisme que les sociétés occidentales commencent à écouter quelques zélotes et quelques illuminés américains, en l’occurrence les nouveaux économistes de l’Ecole de Chicago, qui annonçaient une ère nouvelle pour l’humanité, celle du capitalisme.

L’IDÉOLOGIE ARCHÉO-LIBÉRALE AU SECOURS D’UN CAPITALISME EN CRISE

Cette crise des années 1970 intervient après une période de croissance économique due à l’élévation plus régulière des salaires dans les années 1950 et l’amélioration de la production sociale qui avaient entraîné une modification ou disons un rééquilibrage de la répartition de la valeur ajoutée en faveur des salariés et au détriment des profits. C’est pour changer cette donne considérée comme une offense au principe de la hiérarchie naturelle et pour redonner sa légitimité au capital, qu’une poignée d’illuminés, les nouveaux économistes de l’Ecole de Chicago influencés par les idées de Friedrich von Hayek et de Milton Friedman annonçait la bonne nouvelle au monde, l’instauration enfin du capitalisme. Leur diagnostic est que la crise du monde occidental n’est pas la crise du capitalisme, ni celle du libéralisme économique, ni du système du marché, encore moins l’économie de profit. La crise est celle l’étato-capitalisme et du socialisme. Pour ces zélotes, le salut de l’humanité passe forcément par l’instauration de la loi du marché, du libéralisme économique ; ce qui impliquera par voie de conséquence le démantèlement de l’Etat-providence considéré comme un frein au fonctionnement des lois naturelles qui régissent les sociétés humaines et comme une entrave à la sélection naturelle en secourant les pauvres. L’argent public ne doit pas servir à nourrir des chômeurs fainéants et des pauvres parasites, à l’éducation, mais il doit être redéployé vers l’aide à l’industrie et donc vers les profits. La première ineptie répandue par les apôtres de l’archéo-libéralisme et répétée à satiété par les responsables politiques, c’est le chômage volontaire c’est-à-dire un chômeur qui choisit librement d’être au chômage,. D’ailleurs, cette ineptie a fait un tabac depuis dans tous les États capitalistes depuis les années 1970 et elle est de rigueur même aujourd’hui. Loin d’être une maladie, le chômage de masse est présenté comme un remède pour le bon fonctionnement de la société. Pour les nouveaux économistes et les monétaristes adeptes de Friedman, une société de plein emploi est un « mirage », qu’un chômeur est un privilégié qui meurt de bonheur et de bien-être, qu’il est « libre » de choisir comme bon lui semble « son » chômage et qu’une société normale est celle qui s’installe durablement dans le chômage de masse. Ces millions de chômeurs seront très heureux d’apprendre qu’en choisissant d’être au chômage, ils vivent désormais dans des sociétés de liberté et qu’ils sont désormais engagés sans le savoir sur les chemins de la liberté.

Pour accomplir la révolution néo conservatrice promise par les zélotes de l’archéo-libéralisme la seule froideur technocratique ne saurait suffire pour convaincre le peuple que l’Etat-providence est la cause de tous les maux des sociétés; il faut lui apprendre d’abord comment le détester et comment rêver du capitalisme de demain. Avec un savant usage de la crise et une bonne et saine pédagogie, le peuple apprendra par lui-même le civisme économique et le sens de la modération pour ne pas effaroucher le capital (On continue à écouter ce refrain même aujourd’hui par la bouche des responsables politiques actuels qui ont peur d’imposer les riches pour ne pas les laisser filer à l’étranger. Quel désastre national avec la fuite des cerveaux diront les mauvaises langues). La crise est certes vécue comme un cauchemar pour des millions de chômeurs et de pauvres, mais elle est une véritable aubaine pour les capitalistes et leurs idéologues attitrés; elle est une occasion en or à saisir car les bonnes occasions ne se présentent jamais deux fois dans la vie d’un homme. Une réforme morale et intellectuelle ou plutôt une contre-réforme conservatrice était nécessaire pour la restauration des hiérarchies authentiques jadis mises à mal par la combativité syndicale et par des salariés correctement rémunérés et relativement à l’abri du chômage. L’objectif principal de cette révolution néo-conservatrice était de rétablir des anciennes valeurs bafouées et des idoles détrônées et de réhabiliter la loi du profit élevée au rang d’une cause nationale. Il fallait à tout prix redonner sa légitimité au capital et la crise était au rendez-vous pour servir les intérêts du capital, la première fois en 1973 et la deuxième fois en 1979. Sans oublier de concocter au passage un catéchisme pour les pauvres, les classes ouvrières et pour tous les spoliés du capital en les invitant à s’armer de patience, de courage et de stoïcisme. Il était impératif de convaincre à tout prix le peuple que le système capitaliste peut toujours fonctionner et que le véhicule est toujours en état de marche, mais qu’il lui manque le carburant. Il suffit de remplir le réservoir et Hop que le moteur redémarre et que tout repart : l’investissement, puis la croissance, puis l’emploi. Finalement, tout le monde y gagne. Mais au fait qui va payer l’essence pour remplir le réservoir et faire le plein? Les passagers. Qui sont les passagers? Les salariés. Oui, en effet, ce sont eux évidemment qui allaient trinquer en les hypnotisant avec un discours racontant des histoires à dormir débout. Il faut d’abord leur dire (aux salariés) que la crise n’est pas le fait des hommes mais de la fatalité. Acceptez donc la fatalité et dépouillez-vous de vos dividendes quotidiens et le reste vous sera rendu plus tard avec intérêt. En langage cru et sans détour, prenez ce que votre employeur vous donnera et acceptez la baisse de vos salaires et cela vous sera rendu au centuple, en emplois, en croissance, en pouvoir d’achat: demain, après-demain, un jour, dans un ans, deux ans… Mais surtout gardons espoir, vaillants soldats du capital, votre récompense viendra peut-être un jour, le jour du Jugement dernier où votre ancien employeur se présentera à votre lit de mort avec un veau d’or qu’il partagera à parts égales entre vous et lui. Qui sait ? Un miracle peut avoir lieu mais en attendant, rêvons un peu SVP. D’ici là, Montez dans la voiture et l’on vous racontera la suite de l’histoire quand on sera dedans.

C’est cette douce musique que les peuples d’Occident écoutaient 24 heures sur 24 heures dès le milieu des années soixante-dix du XXe siècle. Aux salariés, les gouvernements libéraux de droite et ont spécialement composé la chanson suivante:

Sacrifiez vos salaires et vos acquis sociaux pour gonfler les profits des capitalistes et des entreprises,

ces derniers ont besoin de votre argent pour investir

pour investir il faut de plus en plus de profits

Comment les profits des capitalistes peuvent-ils se rétablir?

si vous leur refusez le carburant qu’il faut pour faire marcher la machine

À force de matraquer pendant des années et des années que ce sont les profits d’aujourd’hui qui sont la croissance de demain et les emplois d’après-demain, la mayonnaise finit par prendre. Rentabilité, Compétitivité et Marché ont été élevés au rang d’une grande cause nationale. Bloquons les salaires et libérons les prix, compétitivité et concurrence internationale obligent. Donnons généreusement (nous disons donnons et non pas subventionnons) l’argent public aux entreprises privées mais surtout n’oubliez pas de faire savoir en même temps aux salariés que leurs employeurs croulent sous les charges et les prélèvements et surtout il fallait les empêcher de prononcer des mots grossiers en ce temps de crise « relevez les bas salaires et augmenter les impôts sur les sociétés ». L’austérité doit être impérativement à sens unique et cela finira par se savoir que le dégraissage du monde du travail est une condition pour engraisser quelques-uns conformément à la loi de la jungle régie par une hiérarchie avec des dominants et des dominés. Finalement le thème de la compétitivité et de la concurrence internationale s’est révélé aussi efficace et même plus que le nationalisme de la fin du XIXe siècle notamment pendant les guerres franco-allemandes.

PROPAGANDE ARCHÉO-LIBÉRALE

Voilà la musique douce que les apôtres de l’archéo-libéralisme faisait écouter aux salariés et aux classes dominées depuis les années 1970-1980. Ce que l’on vient de passer en revue, ce sont les grandes lignes du programme archéo-libéral, il reste à savoir comment ils les ont appliquées. La stratégie des zélotes de l’archéo-libéralisme est assez simple: faire régner la peur et surtout répéter et répéter, la crise, la crise, la crise. Quelle Fatalité. Quelques petits trucs ont donc suffi pour retourner la situation en faveur des capitalistes et par inverser du coup le rapport profit/salaires. Comme toute propagande qui pêche par simplification, la propagande archéo-libérale a réussi à inculquer aux masses des réflexes conditionnés, des clichés, des mots, des « items ». La crise pétrolière aidant, elle était une aubaine et une occasion à saisir pour tout expliquer et surtout en évoquant les contraintes extérieures, surtout énergétiques, comme réponse à un capitalisme plongé dans une crise profonde comme si le système capitaliste n’était pas miné déjà par ses propres forces centrifuges et centripètes. Concernant la crise pétrolière de 1973, les économistes sont unanimes pour reconnaître que la hausse des prix du pétrole en 1973 et en 1979 n’avait aucune incidence sur l’inflation et le chômage en Occident. Les contraintes extérieures comme d’autres items se sont révélées finalement d’une redoutable efficacité, car elles fournissaient au peuple des explications, certes des fausses explications mais qui ont le mérite de convaincre et c’est justement le but de toute propagande qui ne se soucie jamais la vérité qui est le cadet de ses soucis, car ce qui l’intéresse, c’est la persuasion même avec des arguments farfelus et douteux.

Voilà quelques-uns des messages tenus à l’intention des masses depuis le milieu des années 1970 et même aujourd’hui. On a dit aux millions de personnes des pays capitalistes, que la crise, le chômage, l’inflation qui les frappaient étaient dus aux contraintes extérieures, au choc pétrolier à la facture énergétique et à un nouveau monde en perpétuel changement. Pour les convaincre, il fallait répéter dans les discours publics, ceux des hommes politiques et de l’intelligentsia acquise aux idées de l’archéo-libéralisme, que le vrai responsable des malheurs de l’homme occidental, c’est l’étranger, notamment l’arabe. Le responsable du déficit extérieur, ce sont la guerre économique et la concurrence du tiers-monde. Pour réduire le déficit extérieur, il faut une politique de rigueur et une bonne dose d’austérité qui ont pour effet immédiat, la réduction des salaire. La baisse du pouvoir d’achat a été expliquée par la nécessité et l’impératif d’assainir et de redresser l’économie. Pour réussir le redressement et l’assainissement de l’économie, il faut que les salariés serrent la ceinture et qu’ils cessent de demander des augmentations de salaire aux entreprises qui n’en peuvent plus et au risque de grever dangereusement leurs profits. Si les inégalités sociales augmentent, c’est parce qu’il y a trop d’assistés dans la société et le meilleur moyen de les combattre, c’est de sommer aux assistés d’être assistés et à ceux-ci qui ont obtenu quelques acquis sociaux d’y renoncer, car ils sont trop excessifs. L’échec patent des politiques économiques en matière de lutte contre le chômage et l’inflation est expliqué par une compétitivité insuffisante, par une stratégie graduelle en demandant aux citoyens la poursuite des efforts entrepris. Dans leurs discours publics, les classes politiques et les gouvernements libéraux de droite et de gauche demandaient à leurs citoyens, patience, courage, persévérance en attendant des jours meilleurs, c'est-à-dire en clair, le gonflement des profits qui, logiquement, devront se traduite par l’investissement, par la croissance et donc par l’emploi. Face aux résultats catastrophiques de leurs politiques économiques, les hommes politiques claironnaient patience, ça y est, on y est, encore un peu d’efforts et de patience, et nous y voila arriver au bon port. Quand on leur demande ce que signifient les termes « bon port » et « bout du tunnel », ils dégainent leur arme favorite, les statistiques et les chiffres qui ont été mijotés, préparés et truqués dans les officines spécialisées des États capitalistes, l’INSEE, de l’OCDE, du FMI, de la banque mondiale. Généralement, ils nous balancent dans la figure, les pourcentages du PNB(Produit national brut) et du PIB(Produit intérieur brut). Ces deux termes sont un fourre-tout. Le PNB qui est constitué de tout et de n’importe quoi, est exprimé en valeurs marchandes et monétaires. Mais le PNB ne nous pas comment les richesses produites sont réparties dans le revenu national. Le calcul du PNB ou du PIB pose deux problèmes: quelles productions retenir et comment les pondérer. On sait que ces deux sigles que tout le monde connaît par coeur cachent en réalité de véritables enjeux politiques, car ils visent à masquer les inégalités sociales dans les sociétés, qu’elles soient capitalistes ou socialistes. Il en est de même du PIB qui est la somme des valeurs ajoutées, apporté chaque année par chaque citoyen. Mais la somme des valeurs ajoutées est exprimée là aussi en valeurs monétaires sans savoir qui sont leurs vrais bénéficiaires et destinataires. Le critère de la monnaie est trompeur, car les masses monétaires changent d’une année à l’autre et selon qu’on les rapporte à d’autres monnaies, dollar, yen livre sterling, franc suisse etc. Un PIB d’un pays peut bien connaître une croissance exponentielle durant une période donnée sans que l’on connaisse réellement la part de chacun dans le partage du gâteau. Par exemple, le PIB américain a crû de 36% entre 1973 et 1995 alors que le salaire horaire de l’ouvrier qualifié qui constitue la majorité des emplois, a baissé de 14%. Ce salaire horaire est celui que touchait un ouvrier cinquante ans plus tôt alors que le PIB a doublé durant la même période. C’est cette lutte autour du partage du butin qui constitue le cœur même des luttes des classes dans les sociétés capitalistes.

Le lecteur qui nous a suivi jusqu’ici et qui commence à perdre patience veut maintenant savoir les résultats de la course. Evidemment, il est impossible de tout consigner dans notre carnet de voyage qui a duré plus de trente ans. Mais pour ne pas laisser le lecteur à sa faim, nous dressons un bilan rapide depuis que les idéologues et les propagandistes de l’archéo-libéralisme ont annoncé l’avènement d’un nouveau monde, le capitalisme. Il faut bien dire que la propagande déployée par ces zélotes s’est révélée d’une redoutable efficacité à juger par les résultats obtenus sur le terrain. Faisons d’abord le compte côté profits. Promesse tenue, puisque les politiques économiques ultralibérales mises en place en Europe et aux Etats-Unis depuis la fin des années 1970 ont permis la compression des coûts de production par le blocage des salaires. En faisant des profits les entreprises se désendettent, les carnets de commande se gonflent et le taux d’utilisation des capacités productives devient très élevée (1988-1990). Voyons maintenant côté salaires. À partir de 1977, la croissance de la rémunération réelle des salariés a été réduite de moitié, puis elle est devenue nulle, voire négative. Alors qu’en même temps, les divers revenus de la propriété (vente de logements, actions etc.) ont été très fortement augmentés. En France, dès le lancement du premier plan Barre, la progression trimestrielle du salaire horaire ouvrier a baissé de 1,8% entre le premier trimestre 1976 et le premier trimestre 1979 et la part des salaires est tombée à 49,5% en 1978 contre 50,8% deux ans plus tôt. Pendant ce temps, conséquence arithmétique, les profits ont vu leur part augmenter. Mais le fait significatif est l’augmentation très rapide de l’autofinancement(74% pour le secteur privé et 58,4% pour le secteur public en 1976). Cette croissance de l’autofinancement ne peut s’expliquer que pour une partie par le ralentissement des investissements. Si l’on en croit les zélotes de l’archéo-libéralisme et des gouvernements libéraux, les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et l’emploi d’après-demain. Or les investissements productifs industriels n’ont cessé de diminuer depuis la fin des années 1970 pour devenir insignifiants voire inexistants aujourd’hui. La pirouette de saint Albert, il faut bien le reconnaître, est un bide et de l’attrape-nigaud et le miracle tant attendu sur le partage du butin salariés/ capitalistes n’aura pas eu lieu.

Les politiques de rigueur ont engendré des tensions sur l’emploi rendant plus difficiles les revendications salariales. L’austérité monétariste mise en place par les gouvernements capitalistes entraîne une double conséquence: la désyndicalisation et une profonde réorganisation du marché du travail. Pour y parvenir, les recettes sont déjà prêtes. Pour les monétaristes, il est nécessaire de créer un chômage de masse qui est nécessaire au bon fonctionnement la société. Cette thèse n’a rien de provoquant puisqu’elle est partagée et par les décideurs politiques de droite ou de gauche et évidemment par le patronat. Ce dernier, lucide par nature et par nécessité, sait parfaitement, que si deux patrons courent après un ouvrier, le salaire monte mais si deux ouvriers courent après un patron, le salaire baisse. Un chômeur de plus est une aubaine pour l’employeur mais il est aussi l’exemple que l’on montre pour obtenir la résignation populaire. À la fin des années des années 1970, il y avait 17 demandes pour un emploi, il y en a aujourd’hui 2000. Pensez-vous que l’État dépenserait des milliards pour encourager la natalité s’il n’y avait pas en vue une arrière-pensée bassement matérielle, cette fameuse surpopulation relative et armée de réserve que Marx considère comme la condition nécessaire de l’accumulation du capital ?

Car l’insécurité créée par le chômage de masse est le début de la sagesse syndicale. Les emplois industriels productifs ayant quasiment disparu dans les pays capitalistes, la plupart des emplois créés depuis le début des années 1980 était dans le secteur des services. Ce sont des emplois précaires, mal rémunérés, à temps partiel et essentiellement féminins, c’est-à-dire du personnel à faible qualification. Aux Etats-Unis, pour dix emplois dans la production, on en comptait vingt-six dans les services en 1984 contre seulement quinze en 1959 . Aujourd’hui, il ne reste que deux emplois dans la production contre quatre-vingt six dans les services. La majeure partie des créations d’emplois en Grande-Bretagne a été obtenue en dehors des secteurs industriels et masculins. Les législations du travail ont été démantelées où le contrat du travail a été remplacé par des contrats précaires et par des contrats commerciaux. Pour un salarié, on demande l’impossible ; il faut être souple, mobile, adaptable, maniable et corvéable à volonté et surtout ne rien demander ou être trop gourmand. Si le salarié est assez fou et il commence à discuter, on lui indique aussitôt la porte de sortie où attend une armée industrielle prête à tout pour avoir un salaire. Les politiques de rigueur des années quatre-vingt ont entraîné une régression des dépenses sociales. Les régimes d’assurance-retraite ont pratiquement démantelé dans tous les pays capitalistes avec le développement du régime d’assurance retraite par capitalisation (on commence à cotiser jeune pour toucher quand on est plus âgé) au détriment du régime de la retraite par répartition(ce sont les actifs d’aujourd’hui qui paient pour les retraités actuels et les versements ne sont qu’en partie déterminés par les cotisations passées).

Depuis l’avènement de l’ère archéo-libérale, la paupérisation relative et absolue ne frappe pas seulement les basses couches de la société mais elle s’étend aussi aux classes moyennes comme en témoigne la crise immobilière aux Etats-Unis à l’origine des faillites des grandes banques américaines spécialisées dans le refinancement hypothécaire. On se souvient des promesses des archéo-libéraux et de leurs gouvernements qui demandaient aux salariés patience et courage en attendant les profits de demain. Or les salariés n’ont rien vu venir à ce jour. Pire, non seulement leurs salaires n’ont pas augmenté mais l’on assiste à l’apparition d’une nouvelle catégorie, les travailleurs pauvres qui gagent moins que les 2/3 du salaire médian. Le salaire médian étant plus faible que le salaire moyen du fait de la concentration des hauts revenus. En 1980, il y avait en France, 10% de « travailleurs pauvres », 18,4% en 1995. Un article publié sur le site espagnol Rebelion montre que 15 millions d’italiens, soit 20 % de la population sont pauvres dont 7,5 millions(soit 13 % de la population vit avec moins de 500 euros par mois. Malgré cette paupérisation croissante du peuple italien, la popularité du milliardaire premier ministre, Silvio Berlusconi de battre tous les records avec 62% d’opinions favorables. Aux Etats-Unis, au début de l’ère Reagan, il y avait 35 millions de pauvres selon l’épiscopat américain, il y en a actuellement environ 80 millions et plus de 100 millions dans les États de l’Union européenne.

Selon le théorème de Michel Albert, les profits record engrangés par les entreprises depuis la fin des années 1970 et surtout après l’ouverture des pays de l’Est, auraient dû générer des investissements productifs industriels et commerciaux et à terme des emplois. Or, c’est exactement le contraire qui s’est produit et les profits, au lieu d’aller à l’investissement et à l’emploi, sont allées à la spéculation boursière. Les bulles financières et les innombrables krachs boursiers, krach généralisé en 1987, mini krach à Wall Street en 1989, sont les symptômes de l’émergence d’une nouvelle économie, l’économie de « casino ». Une véritable économie de casino se met en place à la fin des années 1980 supplantant l’économie réelle pénalisée par des taux d’intérêt réels trop élevés nécessaires pour attitrer des capitaux spéculatifs avides de profits immédiats et hautement volatiles. En période de change flottants, ces taux tendent à être de plus en plus influencés par des mouvements de capitaux, eux-mêmes déconnectés des activités productrices.

MISE EN PLACE DE ETAT POLICIER

Avec le triomphe de l’idéologie archéo-libérale et le démantèlement de l’Etat-providence, c’est la forme de l’Etat qui s’est transformée et qui a changé radicalement de fond en comble mais pas sa nature de l’Etat qui demeure l’instrument de la domination du capital. Rappelons que l’État dans un système capitaliste remplit une double fonction : il concourt d’une part à la reproduction d’une société de classe en recourant à la violence physique et symbolique pour assurer la domination de la classe bourgeoise et capitaliste sur les classes ouvrières et d’autre part, il remplit une fonction de régulation et d’intervention pour maintenir la cohésion de la formation sociale à travers le maintien de la cohérence du système productif national, en tant que totalité organique articulant secteurs de production, besoin social et mouvements d’engagement et de dégagement de la force de travail. Historiquement si le capitalisme a pu se développer, c’est grâce à l’action et à l’intervention de l’État national pour reproduire les rapports sociaux capitalistes et pour développer les forces productives. Mais quand un déséquilibre se produit dans les rapports sociaux capitalistes, l’État intervenait pour réguler le cycle de l’accumulation du capital et pour rétablir l’hégémonie de bourgeoisie sur l’ensemble de la société. En cas de crise d’hégémonie politique, économique et idéologique, l’État normal démocratique et pluraliste se transformait immédiatement en Etat d’exception, en « Etat fort » pour briser les reins des classes ouvrières comme la Commune de paris en 1870-1871, le fascisme et le nazisme en Italie et en Allemagne dans les années 1920 et 1930. On peut citer bien d’autres exemples de recours du capital cette forme d’« État fort », ou à d’« État policier » pour restaurer des rapports de force favorables à la classe ouvrière comme la dictature franquiste en Espagne quand il était question de démembrer la grande propriété foncière ou le Chili de Pinochet en 1973. La forme d’Etat actuelle est semblable à toutes les formes d’Etat d’exception que l’on a connues dans le passé, le fascisme, le nazisme, le franquisme, le pinochisme etc. Son mode de fonctionnement est l’entretien de la haine et de la division entre les différentes composantes et groupes de la société en dressant les uns contre les autres pour mieux asseoir la domination de la classe dominante selon le principe diviser pour régner. La stratégie de division et de diversion orchestrée par l’État policier s’est enrichie depuis une dizaine d’autres alibis comme le terrorisme, l’intégrisme, l’islamisme et l’instrumentalisation du religieux en général. Avec les politiques de rigueur des années 1970, l’État a exploité à fond le filon du chômage de masse, la précarité de l’emploi et la dégradation des conditions du travail etc. pour semer la peur et diffuser l’angoisse existentielle dans le corps social pour le neutraliser, car il est bien connu la peur génère de la passivité et de l’inertie mentale et physique. Un État policier peut donc bien être un Etat parfaitement démocratique avec des élections démocratiques. Après tout, les peuples qui ont élu Hitler et Mussolini se croyaient vivre dans une démocratie et c’est après coup qu’ils ont découvert que leurs États étaient des États policiers fasciste et nazi. Derrière chaque démocratie sommeille en réalité un État policier prêt à bondir quand les intérêts de la classe capitaliste sont mis en danger. En temps normal tout baigne. C’est au moment de l’exacerbation des contradictions sociales que la nature de l’État capitaliste se dévoile comme un État foncièrement policier au service du capital et de la pérennité de ses intérêts. Edouard Balladur raconte dans une interview à l’occasion de la célébration du 40ème anniversaire de mai 68 que De Gaulle était parti à Baden Baden pour donner l’impression aux manifestants que l’armée était intervenir pour réprimer les manifestants. Il ajoute aussi qu’en même temps, il a donné l’ordre au commandement militaire de Paris d’envoyer des chars pour parader dans les rues de la capitale pour intimider les étudiants. Des articles dans les constitutions des États démocratiques prévoient toutes les mesures nécessaires au rétablissement de l’ordre public. Mais de quel ordre s’agit-il ?Nous avons eu très récemment un exemple de cette collision ou de ce lien congénital entre Etat et grand capital avec la crise financière actuelle. Une démocratie peut parfaitement avec un État policier sans qu’il y ait contradiction entre les deux formes d’Etat. Quand l’hégémonie du capital sera rétablie, l’État retrouve son image d’État démocratique et remplit sa fonction classique d’instrument de maintien du rapport salarial et de la régulation du cycle de l’accumulation du capital. Pour savoir sous quelle forme d’État nous vivons actuellement, il suffit de dresser un inventaire de la politique pénale des États capitalistes et de faire ressortir toute cette microphysique de pouvoirs dont parlent Michel Foucault, cette myriade de postes d’observations invisibles qui surveillent les moindres faits et gestes sans que l’on se rende compte que nous sommes tous surveillés, espionnés et contrôlés. On peut résumer la condition du citoyen d’aujourd’hui en empruntant à Proudhon cette phrase « Etre gouverné, c’est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé par des êtres qui n’ont ni le titre, ni la science ni la vertu. »Pour avoir un aperçu de la politique répressive en France depuis trente ans, il est vivement et même impérativement conseillé de lire l’ouvrage de Jean-Marc Fedida, « l’Horreur sécuritaire, les trente honteuses, Editions Privé, 2006. 204. Un autre ouvrage assez intéressant qui retrace l’évolution de l’État est celui de Robert Charvin, « Vers la post-démocratie, Editions temps des cerises, 2006. (sur l’État policier aux Etats-Unis, voir l’entretien de Jean-Claude Paye dans le réseau voltairenet, 12 septembre 2007)

RÉCESION OU CRISE FATALE ?

Ce glissement ou plutôt ce repli de l’État sur la seule fonction d’entretien et d’exercice de la violence date des années 1970 quand le mode classique de régulation étatique s’est trouvé en porte à faux pour trois raisons principales : 1) la division internationale du travail et de l’accumulation du capital à l’échelle mondiale ; 2) le triomphe de l’idéologie archéo-libérale ; 3) mise en œuvre des politiques économiques libérales de dérégulation et de démantèlement de l’État providence. On entend par régulation étatique du cycle de l’accumulation du capital : extraction de la plus-value incorporée dans les marchandises capital-argent ; réinvestissement de la plus-value et formation additionnelle de capital variable et de capital constant. Avant l’internationalisation du capital, l’Etat avait encore les moyens d’agir sur le processus de recomposition sectionnelle en prenant appui sur une politique technologique et en mettant en œuvre une stratégie de développement de filières industrielles. Celles-ci étant conçues comme l’expression d’une articulation dynamique entre branches et sections, c’est-à-dire entre modalités de la concurrence des capitaux et reproduction des éléments objectifs et subjectifs du procès du travail. Mais au milieu des années 1970, les États nationaux ont perdu leur fonction de régulateur du cycle de l’accumulation du capital, une fonction confiée désormais, sous la pression des sirènes de l’archéo-libéralisme, au marché et aux agents économiques privés censés remplir cette fonction conformément aux injonctions des lois naturelles de l’économie. Mais la réalité économique de ces derniers jours a apporté un démenti cinglant aux utopies archéo-libérales et a jeté le discrédit sur la capacité du marché à réguler et à régir non seulement les autres secteurs non marchands de la société comme la santé et l’éducation et la culture que l’on traite aujourd’hui comme si elles étaient des marchandises mais la sphère de la production et des échanges proprement dites. Dépouillé de cette fonction de régulation du cycle de l’accumulation du capital, il reste à l’État une seule fonction depuis le triomphe de l’archéo-libéralisme et la mise en œuvre des politiques économiques de dérégulation à partir des années 1970, celle de la violence physique et symbolique pour maintenir l’hégémonie et le pouvoir de la classe capitaliste sur la classe ouvrière. Du fait qu’il ait perdu cette fonction de régulateur du cycle de l’accumulation, l’Etat d’aujourd’hui n’est plus dans le coup et il n’a plus les moyens nécessaires et suffisantes pour assurer une reprise de l’accumulation comme ce fut le cas à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les Keynésiens pensent que l’intervention de L’Etat avant et après la deuxième Guerre mondiale était due à Keynes et à ses idées économiques mais cette intervention fait partie intégrante des fonctions étatiques bien avant Keynes quand il y a une crise d’accumulation du capital. En effet, dans le passé, les crises cycliques et chroniques du capitalisme étaient résorbées grâce aux interventions des États soit pour réguler le cycle de l’accumulation du capital à l’intérieur de leurs frontières soit pour déclencher des guerres salutaires au cours desquelles s’opéraient une destruction massive des surcapitaux ou ce qui revient au même la purge des capitaux sous-valorisés à cause de la surproduction et de la sous-consommation. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, car les États nationaux sont réduits à des simples États policiers sans aucune prise sur l’économie et sur l’empire mondial du capital. les conditions actuelles ne sont plus celles de 1929 où les Etats nationaux pouvaient intervenir pas une politique des grands travaux comme le New deal de Roosevelt ou par une politique industrielle. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’économie capitaliste a pu redémarrer grâce à l’existence d’une puissance économique et militaire qu’étaient les Etats-unis qui grâce au plan Marshall a pu surmonter la crise de surproduction en donnant des milliards de dollars aux Européens pour pouvoir acheter les produits made USA. Aujourd’hui, l’Amérique et ses alliés sont à genoux à cause de leurs guerres surtout après la chute de l’Union soviétique en 1991 qui les ont rendus exsangues et en quasi faillite. Il ne faut pas croire que la crise financière actuelle est un remake des krachs financiers et boursiers de ces vingt dernières années. Il ne faut pas croire non plus que les économies capitalistes sont entrées en une simple récession et que la crise actuelle est une simple crise cyclique. Crise financière et récession, ce sont des mots et des élucubrations que les économistes et les hommes politiques se paient pour faire croire que tout ira bien madame la Marquise. Une nouvelle donne apparaît et nous nous trouvons vraiment aujourd’hui à un tournant historique. Ce sont les conditions objectives qui nous l’indiquent et non une simple vue de l’esprit. Quand on parle actuellement de récession dans les États capitalistes, ce terme n’a plus aucun sens et ne correspond plus à rien, car il n’existe plus comme dans les précédentes crises de récession d’éléments objectifs qui montrent qu’au cycle de la dépression et de la stagnation va se succéder le cycle de la croissance et de la prospérité. C’en est fini avec les cycles de Kondratief, de Schumpeter, de Simiand et de Juglar. Nous sommes entrés dans une nouvelle période historique qui n’a pas son égale dans l’histoire. Le terme est erroné, car il n’existe plus de politique industrielle, ni de nouveaux secteurs, de niches ou de créneaux susceptibles de tirer l’économie vers le haut et de relancer de nouveau la machine économique. Tout cela appartient au passé. L’archéo-libéralisme et les politiques économiques qui s’en sont inspirées sont passés par là et ils ont tout bazardé, l’emploi industriel et l’outil technologique sacrifiés au nom de la compétitivité, de la concurrence internationale et de la spécialisation conçue comme une stratégie de sortie de crise. Dans le passé, il y avait le textile qui a joué le rôle d’entraînement de toute l’économie anglaise lorsque l’Angleterre produit pour le monde entier. Puis ce fut l’ère du charbon et du fer , avec les machines à vapeur, le gaz, et l’électricité, la construction des villes, de routes, de canaux, de chemins de fer, et enfin au cours de cet après-guerre, le pétrole avec l’automobile, les autoroutes, la chimie, le plastique, l’informatique, la robotisation. Il ne reste plus à l’heure actuelle que le nucléaire et Sarkozy ne s’est pas trompé quand il veut vendre des centrales nucléaires et la nouvelle génération EPR. Aujourd’hui, tous les secteurs industriels nécessaires au développement capitaliste ont disparu ou été délocalisés dans des pays où la main-d’oeuvre coûte moins cher. Nous ne sommes donc plus dans une phase de récession mais de crise générale, historique et sans précédent où le visage du monde est en train de changer. Nous vivons à présent sous le règne de l’économie casino dont on a parlé ci-haut. Tous les rouages du système sont donc en panne tant à l’intérieur des frontières des États nationaux devenus des simples États policiers qui vont bientôt céder sous le poids des contradictions sociales engendrées par des inégalités croissantes qu’au niveau mondial avec une crise d’hégémonie militaire et économique sans précédent et avec l’effondrement de l’empire américain ruiné par deux guerres et par un une économie exsangue. Bientôt nous allons voir tous les étages de l’édifice s’effondrer comme un château de cartes et les monarchies pétrolières et les pays producteurs du pétrole seront les premiers à tomber faute de consommateurs solvables qui se trouvent essentiellement dans les pays industrialisés. Et cet effondrement du système capitaliste va, par voie de conséquence sonner le glas de l'hégémonie occidentale qui dure depuis cinq siècles, depuis la découverte du Nouveau Monde en 1492.

Avant l’heure fatale, il reste cependant des irréductibles qui croient encore au miracle comme cet article publié dans le Times de Londres en date du 14 octobre 2008 sous le titre « le capitalisme a-t-il échoué ? » Ou encore les dirigeants des Etats capitalistes qui s’agitent désespérément pour sauver un système en état de décomposition avancé. Un nouveau monde est en gestation et dont les principaux traits sont en train de se dessiner aujourd’hui. Il suffit tout simplement d’observer les forces qui sont à l’œuvre et qui travaillent activement et souterrainement à son accouchement.

FAOUZI ELMIR

Mots-clés : Archéo-libéralisme, crise, capitalisme,

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14 octobre 2008
KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME(4)

KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME

(TEXTES ET DOCUMENTS)(4)

L’écroulement du système financier capitaliste et avec lui l’archéo-libéralisme qui fut l’idéologie d’accompagnement du capitalisme sénile durant ces derniers vingt-cinq ans propulsent le nom de Karl Marx sur la scène intellectuelle mais aussi médiatique. Médiatique, car, ceux qui ont l’habitude de suivre les guignols de l’info sur la chaîne câblée Canal+, découvrent que le présentateur PPDA ouvre son journal du 13 octobre 2008 en décernant le prix Nobel de l’économie non pas, comme l’a fait sérieusement la fondation suédoise, à l’américain Krugman mais à Karl Marx pour sa théorie de la crise du capitalisme. Les analyses et les commentaires sur la crise financière actuelle font abondement référence à Marx et à sa théorie de la crise du capitalisme (par exemple un article d’Alain de Benoït du 10 octobre lu sur mecanopolis). Car, alors que tout le monde croyait que la fin de l’histoire coïncide avec le capitalisme triomphant de l’après-guerre froide(Fukuyama), Marx refait surface et devient ces jours-ci une référence incontournable pour tous ceux qui veulent comprendre non seulement les tenants et aboutissants de la crise financière actuelle mais aussi l’après-crise. Même le guide de la Révolution iranienne, l’ayatollah Khamenei estime que le capitalisme est en train de s’écrouler après le marxisme. Deux commentaires rapides sur la déclaration de l’ayatollah Khamenei. Primo, il pense que Marx et la pensée marxiste ont disparu avec le bloc communiste, ce qui est faux et archi-faux. Secondo, il est bien connu que l’Islam politique, malgré la rhétorique anticapitaliste et anticapitaliste, est l’allié objectif du capitalisme et de l’impérialisme. Deux exemples nous font comprendre cette collision entre l’islam politique, capitalisme et impérialisme. Le premier exemple est celui du soutien financier et en armement de l’Arabie Saoudite et des Etats-Unis aux Talibans pour lutter contre la présence soviétique en Afghanistan. Le deuxième exemple, le soutien apporté par l’Arabie Saoudite et discrètement par l’Iran aux Etats-Unis pour l’invasion de l’Irak. À notre connaissance, depuis le XIXe siècle, aucun ne s’est montré capable d’infirmer les analyses marxistes du capitalisme. Les adversaires et détracteurs de Marx et le marxisme ont une seule arme, la diversion, la simplification, la mutilation d’une pensée et l’art de l’amalgame(Marx=Staline=Goulag=Totalitarisme).

Les explications de la crise du capitalisme chez Marx se révèlent d’une brûlante actualité. Pourquoi seront-elles caduques ? La nature du capitalisme a-t-elle changé depuis le XIXe siècle ? La loi du profit du capitalisme du XIXe siècle n’est-elle plus de mise aujourd’hui, au XXIe siècle ? Le capitaliste est-il devenu un philanthrope qui distribue ses profits aux salariés ? À vrai dire, le seul changement entre le capitalisme au temps de Karl Marx et le capitalisme d’aujourd’hui en 2008, c’est le casting, c’est-à-dire le changement de noms des détenteurs du pouvoir économique et politique. À part ce changement de personnes dû à l’implacable loi de la mortalité biologie, le système capitaliste est intact tant dans sa structure, la propriété privée et le salariat que dans sa finalité, le profit et l’accumulation du capital. Dans les Luttes de classes en France(1848-1850), Karl Marx écrit ceci « Après la révolution de Juillet, lorsque le banquier libéral Laffitte conduisit en triomphe son compère le duc d’Orléans à l’Hôtel de Ville, il laissa échapper ces mots « Maintenant, le règne des banquiers va commencer » Laffitte venait de trahir le secret de la révolution »(Karl Marx, Œuvres choisies, Tome 1, éditions du progrès, 1978. pp 213-214). Quand on voit comment les États et les gouvernements capitalistes en Europe et aux Etats-Unis se sont mobilisés ces jours-ci pour sauver des banquiers en faillite, n’est-ce pas le règne des banquiers qui continue depuis que cette phrase de Karl Marx citée ci-haut et qui remonte à plus d’un siècle et demi ? Le capitalisme d’aujourd’hui est-il vraiment différent de celui du XIXe siècle ? Il n’y a que les imbéciles et les crétins qui pensent le contraire. C’est pourquoi l’article de Karl Marx publié dans le New York Daily Tribune le 15 octobre 1856 livre certes des informations précieuses sur la crise monétaire de son temps mais il suggère aussi des pistes et des idées sur ce qu’il nous attend, hommes et femmes du XXIe siècle, dans les mois et les années à venir. (F.E)

La crise monétaire en Europe

KARL MARX, New York Daily Tribune, 15 octobre 1856.

La crise commerciale générale qui éclata en Europe à l’automne 1847 et dura jusqu'au printemps 1848, eut comme préliminaire une panique sur le marché finan­cier de Londres qui commença dans les derniers jours d’avril et atteignit son paroxysme le 4 mai 1847. Toutes les transactions monétaires furent alors au point mort. Cependant, la pression se relâcha le 4 mai, si bien que journalistes et hommes d'affaires se congratulèrent sur le caractère purement fortuit et éphémère de la panique. Quelques mois après, ce fut la crise commer­ciale et industrielle dont la panique monétaire n'avait été que le présage et le prélude.

On observe à présent sur les marchés financiers euro­péens, une panique évoluant comme en 1847. Cepen­dant, l'analogie n'est pas totale. Au lieu de se déplacer, comme en 1847, d'Ouest en Est - de Londres via Paris vers Berlin et Vienne - l'actuelle panique s’étend d'Est à l'Ouest; son point de départ était l'Alle­magne, d'où elle gagna Paris pour atteindre finalement Londres. En raison de sa lente progression, elle avait pris à l'époque un caractère local, alors qu'à présent elle prend un caractère général de par la rapidité de son extension. En 1847, elle dura une semaine, alors qu'elle dure maintenant depuis trois semaines. Autref­ois, rares étaient ceux qui présageaient qu'elle fût le prodrome d'une crise générale, alors que personne n'en doute aujourd'hui- hormis ces Anglais qui se figurent faire l'histoire, en lisant le Times. Autrefois les poli­ticiens les plus clairvoyants redoutaient une répétition des crises de 1825 et 1836; aujourd'hui, ils sont per­suadés qu'elle n'est qu'une édition élargie non seule­ment de la crise de 1847, mais encore des révolutions de 1848.

Les préoccupations des classes dominantes d'Europe sont aussi vives que leurs déceptions. Tout était allé selon leurs vœux depuis la mi-1849, hormis le petit nuage à leur horizon social que fut la guerre de Crimée. À présent que la guerre est terminée ou tenue pour terminée, elles font partout la même découverte que les Anglais après la bataille de Waterloo et la paix de 1815, lorsque les communiqués de guerre cédèrent la place aux bulletins sur la crise agricole et indus­trielle. En vue de sauver leur propriété, elles avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour abattre la révolution et écraser les masses - pour se rendre compte à la fin qu'elles avaient été elles-mêmes l'instru­ment d'une révolution des rapports de propriété qui fut plus importante que celle que les révolutionnaires de 1848 eux-mêmes avaient pour objectif. Elles obser­vent devant elles une banqueroute universelle qui doit coïncider - comme elles en ont le pressentiment - avec le jour où se règlent les transactions du grand Bureau de Prêt à Paris. Or si les Anglais constatèrent à leur grand étonnement après 1815 - lorsque Castle­reagh, « l'homme de la stricte voie du devoir » se trancha la gorge à lui-même - qu'il avait été fou, les spéculateurs en Bourse de l'Europe commencent à se demander avant même que la tête de Bonaparte ne soit coupée, s'il a jamais été sain d'esprit. Ils savent que tous les marchés sont sursaturés de produits importés, que toutes les couches des classes possédantes, même celles qui auparavant n'en étaient pas infectées, ont été entraînées dans le tourbillon de la folle spéculation­ a laquelle aucun pays d'Europe n'échappe plus, et a exigences des gouvernements vis-à-vis de leurs payeurs d'impôts sont poussées à leur paroxysme. En 1848, les événements qui suscitèrent directement la révolution, avaient un caractère purement politique- par exemple, les banquets du mouvement de Réforme en France, la guerre de séparatisme suisse, les débats de la Diète unie de Berlin, les mariages espagnols, les troubles au Schlesvig-Holstein, etc. - et lorsque les soldats de la révolution, les ouvriers parisiens, proclamère­nt que la révolution de 1848 serait une révolution sociale, les généraux qui la commandaient furent aussi stupéfaits que le reste du monde. En revanche, à présent, ­on tient en général pour évidente une révolution socia!e, qui n'est pas provoquée par des conjurations souterraines de sociétés secrètes, mais par les machi­nations publiques du Crédit mobilier des classes domi­nantes. C'est ce qui explique que les préoccupations classes dominantes d'Europe soient troublées par le pressentiment que ce furent seulement leurs victoires sur la révolution qui ont servi à créer les conditions matérielles de l'année 1857 pour la réalisation des tendances idéalistes de 1848. En ce sens, toute la période allant de la mi-1849 à ce jour ne serait qu'un sursis que l'histoire aurait accordée à la vieille société européenne pour lui permettre un dernier épanouissement concentré de toutes ses potentialités. En politique, le culte de l'épée; en morale, la corruption générale et le retour hypocrite à la superstition surannée; en économie politique, la soif de devenir riche sans se donner la peine de travailler - telles furent les tendances que cette société manifesta au grand jour au cours de ses­ de ses orgies contre-révolutionnaires de 1849 à 1856.

Par ailleurs, si nous comparons les effets de cette brève panique financière avec les effets qu'ont eues les proclamations de Mazzini et consorts, on s'aperçoit toute l'histoire des erreurs des fameux révolution­naires depuis 1849 sera d'emblée dépouillée de ses mystères. Ils ignorent, en effet, toute vie économique des peuples; et ignorent plus encore les conditions réelles de l'évolution historique. Lorsqu'une nouvelle révolution éclatera, ils auront un droit plus grand que Ponce Pilate à se laver les mains en toute innocence- et ils ne manqueront pas d'ailleurs de proclamer qu'ils sont innocents du sang répandu.

Nous avons dit que l'actuelle panique financière européenne a éclaté d'abord en Allemagne, et les jour­naux à la solde de Bonaparte se sont précipités sur ce fait pour se laver de tout soupçon d'avoir participé le moins du monde à l'explosion brutale de la panique. Ainsi lisons-nous dans le Constitutionnel de Paris :

« Le gouvernement s'est mis en devoir, dès la conclu­sion de la paix, de juguler l'esprit d'entreprise, en ­remettant à plus tard plusieurs nouvelles concessions, et en interdisant l'application de nouveaux projets en ­bourse. Cependant, d'où proviennent ces excroissance­s ? Si une partie en était née sur le marché français, ce fut certainement la plus petite. Dans leur zèle, nos sociétés ferroviaires agirent peut-être avec trop de hâte dans l'émission de bons, dont le produit était destiné à la construction de lignes secondaires. Mais cela n'aurait pas provoqué de difficultés, si les innombrables entreprises étrangères n'avaient pas poussé subitement comme de la mauvaise herbe. Avant tout, l'Allemagne qui n'avait pas pris part à la guerre, se rua inconsidérément sur tous les projets possibles. Or, comme elle ne dispose pas elle-même de ressources suffisantes, elle eut recours à celles de la France, et comme le marché ­officiel lui était fermé, elle se tourna vers les spéculateurs des bourses borgnes. C'est ainsi que la France devint le centre de projets cosmopolites qui offrent aux nations étrangères la possibilité d'un enrichissement aux dépens des intérêts nationaux. Les capitaux se firent en conséquence rares sur notre marché, et nos valeurs trouvant peu d'acheteurs subirent une telle dévalorisation que le public en est étonné face à tant d'éléments de richesse et de prospérité.

Après avoir donné cet exemple de l'absurdité des milieux impériaux officiels sur les causes de la panique européenne, nous ne pouvons pas ne pas citer aussi un exemple pour la conception qu'en a l'opposition tolérée par Bonaparte.

L’Assemblée nationale écrit ainsi : « L'existence d'une crise peut être niée; cependant, nous devons admettre que la prospérité est en train de décliner quelque peu, si nous considérons la baisse récente des recettes des chemins de fer, le recul des prêts bancaires sur les traites marchandes et la baisse de 25 millions de francs des droits douaniers perçus au cours des sept premiers mois de cette année sur les produits expor­tés»

En Allemagne, depuis la contre-révolution de 1849, les éléments dynamiques de la bourgeoisie ont concentré toute leur énergie sur des entreprises com­merciales et industrielles, de même que la partie pen­sante de la nation a abandonné les exercices philosophiques au profit des sciences de la nature. En restant neutres dans la guerre, les Allemands ont accumulé autant de capital que les Français en ont gaspillé à la guerre. Le Crédit mobilier qui observa cet état de fait chez les Allemands préoccupés d'accu­muler rapidement du capital pour développer une industrie nouvelle, voulut bien condescendre à se consi­dérer comme l'objet approprié à ces opérations. En effet, l'alliance passive entre Bonaparte et l'Autriche avait déjà attiré son attention sur les domaines inexplo­rés de l'Autriche, de la Hongrie et de l'Italie. Cepen­dant, bien que le Crédit mobilier ait donné l'exemple de cette spéculation et que l'on en prît l'initiative en Allemagne, il fut lui-même effrayé par la croissance inopinée des entreprises de spéculation et des instituti­ons de crédit auxquelles il avait donné l'impulsion.

Les Allemands de 1855-1856 se virent octroyés les statuts spéculateurs des Crédits mobiliers de manière aussi définitive que les Allemands de 1831 avaient reçu toutes prêtes les constitutions politiques de France 19. C'est ainsi qu'un Français du XVIIe siècle avait constaté avec surprise que la cour de Louis XlV était ressuscitée outre-Rhin avec une magnificence-encore plus grande, et c'est ainsi que les Français du siècle dernier furent étonnés de trouver en Alle­magne soixante-deux assemblées nationales, alors qu'ils s'étaient eux-mêmes donné tant de mal pour n'en avoir qu’une seule. Au plan économique, il se trouve que l'Allemagne n'est pas du tout un pays décentralisé, ce serait plutôt la centralisation qui serait décentralisée, bien qu'au lieu d'un centre il en existe un très grand nombre.

Un tel pays était donc tout à fait propre à se déve­lopper dans les plus brefs délais et à tous les points de vue dans la direction indiquée par les manœuvres que lui a enseignées le Crédit mobilier, de même que les modes parisiennes se diffusent bien plus rapidement en Allemagne qu'en France. Telle est la cause immédiate de ce que la panique a éclaté d'abord, et avec le plus d'extension, en Allemagne, Dans un prochain article, nous exposerons l'histoire de cette panique ainsi que ses causes immédiates.

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12 octobre 2008
KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME(3)

KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME

(TEXTES ET DOCUMENTS)(3)

Dans un article publié dans le New York Tribune du 22 décembre 1857, Marx nous livre ses réflexions sur la crise financière de son temps. Rappelons que la crise financière dont Marx rend compte se situe dans la suite d’une série de crises qui ont jalonné l’histoire du capitalisme européen et américain tout au long du XIXe siècle. Le lecteur remarquera que les manifestations de cette crise sont les mêmes que celles d’aujourd’hui. Celle de 1857 a pour origine une crise agricole de surproduction due à l’arrêt de l’exportation du blé américain vers le continent européen inondé par les livraisons russes après la Guerre de Crimée. Pour acheter des produits manufacturés à l’Europe, les banques américaines avaient dû emprunter massivement aux banques anglaises. La spéculation aidant, une crise de crédit s’enclenche. Mais la crise financière analysée par Marx remonte à 150 ans à l’époque où le capitalisme était encore dans sa jeunesse et dans sa phase juvénile. Aujourd’hui, les conditions ont changé et c’est la fin d’un cycle, celui d’un système trop vieux et trop usé pour pouvoir échapper au sort qui l’attend, le dépérissement et la mort. Comme ce fut le cas dans le passé de tous les empires qui le précèdent (romain, l’empire carolingien, l’empire arabo-muslman, l’empire turc, l’empire germanique, autro-hongrois), l’empire du capital(déguisé sous des termes mondialisation, globalisation etc) est condamné à mourir à son tour de sa mort naturelle sous ses propres contradictions et sous la pression des forces centripètes et centrifuges qui le traversent et qui le minent. Les dirigeants des Etats capitalistes de l’Ouest ruent actuellement dans les brancards à la recherche de solutions pour réanimer artificiellement un homme malade(par comparaison à l’empire ottoman appelé l’homme malade de l’Europe) plongé dans un coma profond. Toutes ces gesticulations médiatiques et politiques sont vaines car le système capitaliste est trop atteint et trop malade pour espérer survivre un jour. On tente désespérément de le maintenir en vie dans l’espoir de retarder son échéance et son heure fatidique. Mais aucun remède n’est assez puissant pour le ramener à la vie. À ce stade, au lieu de s’affairer et d’organiser des réunions à n’en plus finir à Paris et à Washington(G7, G20, Eurogroup, ministres des finances etc) les chefs d’Etat et de gouvernements américains et européens feraient mieux se rendre tous ensemble dans les différents lieux de pèlerinage en Europe et dans le monde, à Lourdes, à Saint Jacques de Compostelle, à Fatima, à Jérusalem, au mur des lamentations, à la Mecque etc pour des prières qui coûtent beaucoup moins chers aux contribuables et surtout pour une quête d’un miracle qui tombe du ciel ! Avant d’être balayée par le torrent de l’histoire, in ne reste à la bourgeoisie et à son pouvoir, le capital, les prières et la surprise divine. Quelle fin tragique pour une classe qui a promis au monde les idéaux de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

La crise financière en Europe

KARL MaRX, New-York Tribune 22 décembre 1857

La poste qui est arrivée, hier matin avec le Canada et l'Adriatic nous a mis en possession d'une chronique hebdomadaire de la crise financière européenne. Cette histoire peut être résumée en quelques mots : Hambourg a toujours constitué le centre fébrile de la crise qui se répercute ensuite avec plus ou moins de violence sur la Prusse et replonge par réaction le marché financier anglais dans le marasme dont il semblait sur le point de sortir. Un écho plus lointain de l'ouragan vint d'Espagne et d'Italie. La paralysie de l'activité industrielle et la misère qui s'ensuit pour la classe ouvrière gagna rapidement toute l'Europe. Par ailleurs, la relative résistance que la France a opposée jusqu'ici à la contagion pose une énigme à ceux qui s'occupent de politique économique, énigme qui serait plus difficile à résoudre que la crise générale elle-même,

On avait pensé que la crise de Hambourg aurait dépassé son apogée le 21 novembre lorsque fut fondée l’Association de Garantie de I*Escompte qui bénéficia d’un fonds d'un total de 12 millions de marks liquides afin de garantir les traites et valeurs circulant sous l’estampille de cette Association. Diverses banqueroutes et des faits tels que le suicide de l’agent en courtage Gowa montrent cependant que le mal progressait encore dans les journées qui suivirent. Le 26 novembre, la panique était de nouveau à son comble - et si Association de l'Escompte était montée d'abord sur 1a scène pour l'arrêter, c'était à présent au tour du gou­vernement d'y faire son apparition. Le 27, le Sénat fit le projet - et obtint aussi l'accord et la caution des citoyens héréditaires de la ville - d'émettre des valeurs susceptibles de porter des intérêts d'un montant de 15 millions de marks pour faire des avances sur des marchandises durables ou sur les papiers d'Etat, les avances devant se monter à 50-60 % de la valeur correspondante des marchandises gagées. Cette seconde tentative de normalisation du commerce échoua comme la première - toutes deux ressemblaient à l'appel au secours qui précède l'instant où le navire coule. La garantie de l'Association d'Escompte avait elle-même besoin - comme on le vit bientôt - d'une nouvelle garantie ; en outre, les avances de l’Etat qui étaient limitées tant pour ce qui est de leur montant que pour ce qui est des variétés de marchandises pour lesquelles elles pouvaient s*appliquer, s'avérèrent inutiles, précisément en raison des conditions dans lesquelles elles étaient consenties et ce, dans la mesure où les prix tombaient.

Or, pour tenir les prix et repousser de la sorte la cause proprement dite du mal, l'Etat eût dû les main­tenir tels qu'ils étaient avant que la panique commer­ciale éclate, et escompter des traites qui ne représen­taient plus rien d'autre que des maisons étrangères en banqueroute. En d'autres termes, la richesse de toute la société représentée par le gouvernement aurait dû compenser les pertes des capitalistes privés. Cette sorte de communisme, où la réciprocité est tout à fait à sens unique, semble exercer un grand attrait sur les capita­listes européens.

Le 29 novembre, vingt grandes firmes commerciales de Hambourg s'effondrèrent en même temps que de nombreuses maisons de commerce d'Altona. On suspen­dit l'escompte des traites; les prix des marchandises et des valeurs n'étaient plus que nominaux, et le monde des affaires était dans l'impasse. Il ressort de la liste des banqueroutes que cinq d'entre elles effectuaient des opérations bancaires avec la Suède et la Norvège, et l'on voit, par exemple, que les dettes de la firme Ulberg & Cramer se montent à 12 millions de marks. II y eut cinq faillites dans le commerce d'articles coloniaux, quatre dans le commerce avec la Baltique, deux dans l'exportation de produits industriels, deux dans les sociétés d'assurance, une à la bourse, une dans la navigation. La Suède dépend ainsi entièrement de Hambourg pour ce qui est de ses exportateurs, de ses agents de change et banquiers : on peut dire même que le marché de Hambourg est aussi celui de la Suède. De fait, deux jours après le krach, un télégramme annonçait que les banqueroutes de Hambourg en avaient provoqué à Stockholm et que, là aussi, un soutien du gouvernement s'était avéré inutile. Ce qui compte pour la Suède en ce domaine, compte à plus forte raison pour le Danemark, dont le centre commercial est Altona, un simple faubourg de Hambourg. On y enre­gistra de nombreuses suspensions de paiement, de la part notamment de deux très vieilles firmes - de la maison Conrad Warneke faisant commerce colonial, notamment de sucre, au capital de 2 millions de marks liquides dont les ramifications s'étendaient à l'Alle­magne, au Danemark et à la Suède, et la maison Lorent am Ende & Cie qui commerçait avec la Suède et la Norvège. Un armateur et gros marchand se suicida suite de ses difficultés d'argent.

On peut se faire une idée de l'extension du commerce de Hambourg d'après le simple chiffre suivant: des marchandises d'une valeur d'environ 500 millions de marks se trouvent actuellement en dépôt dans les entrepôts et le port au compte des négociants de Hambourg. La république recourt maintenant au seul ,,en anti-crise, en décrétant qu'il est du devoir des citoyens de payer leurs dettes. Il édictera sans doute une loi accordant un moratoire d'un mois à toutes les traites venues à échéance.

Pour ce qui concerne la Prusse, les journaux n'appor­tent aucune nouvelle sur la situation précaire des districts industriels de la Rhénanie et de la Westphalie, étant donné qu'elle n'a pas encore conduit à des faillites en chaîne. Les banqueroutes sont restées limi­tées aux exportateurs de céréales de Stettin et de Dantzig et à une quarantaine de fabricants berlinois. Le gouvernement prussien est intervenu, en habilitant la Banque de Berlin à faire des avances sur les mar­chandises en stock et en abolissant la législation sur l’usure. La première mesure se révèlera tout aussi inopérante à Berlin qu'à Stockholm et à Hambourg, la seconde ne fait que hisser la Prusse au même niveau que les autres pays marchands.

Le krach de Hambourg apporte une réponse probante :es esprits à l'imagination fertile qui voient l'actuelle crise découler artificiellement des hauts prix suscités par la monnaie de papier. Pour ce qui concerne la circulation monétaire, Hambourg constitue le pôle opposé aux Etats-Unis. L'argent métal y a seul cours. En effet, on n'y trouve pas de circulation monétaire de papier, mais on se vante au contraire de n'avoir comme moyen de circulation que de l'argent purement métallique. La panique monétaire n'y sévit pas moins violemment qu'ailleurs; qui plus est, Hambourg est devenue - depuis le début des la crise générale, dont la découverte n'est pas aussi vieille que celle des comètes - sa scène favorite. Au cours du dernier tiers du XVIIIe siècle, elle offrit deux fois le même spectacle qu'aujourd'hui, et si elle se distingue de tous les autres grands centres mondiaux du monde par un signe distinctif caractéristique, c'est que les oscillations du taux d'intérêt y sont plus fréquentes et plus violentes. Tournons-nous de Hambourg vers l'Angleterre, nous constaterons que l'atmosphère sur le marché monétaire de Londres s'est continuellement améliorée du 27 novembre au 1 décembre - jusqu'à ce qu'il eut un contrecoup. Le 28 novembre, le prix de l'argent était effectivement tombé, mais il remonta après le 1 décembre et continuera vraisemblablement de grimper, étant donné que Hambourg en a besoin de quantités considérables. En d'autres termes, on retirera de l'or de Londres pour acheter de l'argent sur le continent, et cette hémorragie renouvelée de l'or exige que la Banque d'Angleterre serre encore la vis. Outre la demande subite de Hambourg, il y a aussi la perspective pas très éloignée de l'emprunt indien auquel le gouvernement doit nécessairement consentir, même ­s'il déploie tous ses efforts pour différer la venue ce jour affreux. Le fait que de nouvelles banqueroutes se sont produites depuis le premier de ce mois, contribué à dissiper l'erreur selon laquelle le marché monétaire aurait surmonté le pire. Lord Overstone (le banquier Loyd) observait dans la séance d’ouverture de la Chambre Haute: « La prochaine tension sur la Banque d'Anglete­rre produira vraisemblablement avant que les cours de change soient épurés, et alors la crise sera plus violente que celle à laquelle nous venons d'échapper. De graves et périlleuses difficultés menacent notre pays ».

La catastrophe de Hambourg n'a pas encore été ressentie à Londres. L'amélioration de la situation du marché du crédit avait favorablement influencé le marché des produits, mais, abstraction faite de la nouvelle diminution de la masse monétaire, il est manifeste que la chute des prix de Stettin, Dantzig et Hambourg fera nécessairement baisser la cotation des prix à Londres. Le décret français qui abolit l'inter­diction d'exporter les céréales et la farine, a forcé les grands meuniers londoniens à baisser aussitôt leurs prix de 3 shillings par 280 livres afin d'endiguer les impor­tations de farine française. On cite quelques faillites dans le commerce des céréales, mais elles sont restées limitées â quelques petites firmes et des spéculateurs en grains qui étaient liées par des contrats de livraison à long terme.

On n'apprend rien de nouveau des districts industriels anglais, sinon le fait que les produits cotonniers adaptés aux besoins de l'Inde et les filés fabriqués spécialement pour ce marché ont pour la première fois depuis 1847 bénéficié de prix favorables en Inde. Depuis 1847, les profits réalisés par les fabricants de Manchester dans cette branche d'activité, ne proviennent pas de la vente de leurs marchandises en Indes Orientales, mais uni­quement de la vente en Angleterre des marchandises importées des Indes Orientales. La diminution draco­nienne des exportations en direction de l'Inde depuis juillet 1857, à la suite du soulèvement, permit au marché indien de vider le stock des marchandises accumulées, et de réclamer de nouveaux approvisionnements à des prix supérieurs. Dans des conditions normales, un tel événement eût produit un effet d'animation extraordi­naire sur le commerce de Manchester. Comme nous l’apprenons de lettres privées, cela a à peine fait augmenter le prix des articles les plus demandés; en revanche, on peut appliquer de telles quantités de forces productives à !a fabrication de ces articles particuliers qu'elles sont suffisantes à inonder dans les plus brefs délais trois Inde avec un flot de marchandises. L'augmentation générale dès forces productives a été telle au cours de ces dix dernières années que même le travail réduit aux deux tiers de son volume dans les fabriques ne peut être maintenu qu'en accumulant d'énormes excédents de marchandises dans leurs entrepôts. La firme Du Fay & Cie rapporte, dans son bulletin commercial mensuel de Manchester, que « ce mois-ci il y a eu une pause dans les affaires, que peu de fabriques n'ont eu assez de travail et qu'en général les prix ont été bas. Jamais auparavant le montant global des affaires effectuées en un mois n'a été aussi faible qu’en novembre ».

Ce n'est pas le lieu ici d'attirer l'attention sur le fait que, pour la première fois en 1858, l'abolition des lois céréalières britanniques a été mise à l'épreuve de man sérieuse. Tant par l'influence de l'or australien et de la prospérité industrielle que par les résultats naturels de mauvaises récoltes, le prix moyen du blé a été plus élevé de 1847 à 1857 que de 1826 à 1836. Une vive concurrence de l'agriculture étrangère et de ses produits devra être supportée, tandis que baisse la demande intérieure, et nous aurons probablement de nouveau une crise agraire qui semblait avoir été enterrée dans les annales de l'histoire britannique de 1815 â 1832. Il est vrai que le relèvement des prix du blé et de la farine en France qui a suivi le décret impérial, n'aura que des effets momentanés et disparaîtra même avant que l'Angleterre ait importé de grandes quantités de céréales d'ailleurs, Maïs s'il se produit une nouvelle pression le marché monétaire, la France sera obligée de jeter son blé et sa farine sur le marché anglais qui est en même temps pris d'assaut par la vente frénétique de produits allemands. Enfin, de pleines cargaisons arriveront des Etats-Unis au printemps et porteront l'ultime coup au marché des céréales britannique. Si, comme l'histoire des prix nous le laisse supposer, il y aura une succession de plusieurs bonnes récoltes, nous aurons l’occasion de suivre jusque dans le détail les conséquences véritables de l'abolition des lois céréalières - en pre­mière ligne sur les journaliers agricoles, en seconde ligne sur les fermiers, et enfin sur tout le système bri­tannique de la propriété foncière.

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11 octobre 2008
KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME(2)

KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME

(TEXTES ET DOCUMENTS)(2)

Les premières explications de la crise du capitalisme chez Marx remontent au Manifeste du parti communiste rédigé en collaboration avec Engels dans les années 1847-1848. Mais la théorie marxiste de la crise se trouve dans le Capital. qu’est-ce qu’une crise chez Marx ? Une crise économique est provoquée par la surproduction de marchandise qui, sur le marché, conduit à la mévente et à la chute des prix(en réalité il faudra dire la valeur des marchandises, c’est-à-dire la quantité de travail incorporée dans la marchandise et qui est la source de la valeur). La crise, et comme les microbes, reste invisible à l’œil nu dans le sens où il n’y a pas quelque chose de matérielle en soi qui s’appelle crise. Un premier symptôme de la crise est l’arrêt dans l’augmentation de l’indice de la production industrielle, son fléchissement puis sa chute brutale. Le deuxième symptôme de la crise est le licenciement massif de salariés et la faillite de capitalistes qui ferment leurs usines en délocalisant les lieux de production dans des pays où la main-d’œuvre est bon marché. Le troisième symptôme de la crise est la crise financière et monétaire. Ceux qui s’agitent actuellement pour trouver une issue à la crise financière actuelle se trompent de diagnostic, car ils prennent le symptôme pour la cause du mal et c’est pourquoi leurs milliards dilapidés n’auront aucun effet sur la crise actuelle qui est au fond une crise économique structurelle, celle du capitalisme, c’est-à-dire la surproduction d’un côté et la sous-consommation de l’autre. Soigner la cause du mal, ce n’est pas dépenser des milliards pour sauver des banquiers, c’est donner du pouvoir d’achat aux salariés pour pour pouvoir acheter toute la déchetterie produite par l’industrie.

MANIFESTE DU PARTI COMMUNISTE

Rédigé par Marx et Engels de décembre 1847 à janvier 1848. Paru en brochure séparée en langue allemande en février 1848

… L'ancien mode d'exploitation féodal ou corporatif de l'indus­trie ne suffisait plus aux besoins qui croissaient sans cesse à mesure que s'ouvraient de nouveaux marchés. La manufacture prit sa place. La moyenne bourgeoisie industrielle supplanta les maîtres de jurande; la division du travail entre les différentes corporations céda la place à la division du travail au sein de l’atelier même.

Mais les marchés s'agrandissaient sans cesse: la demande croissait toujours. La manufacture, à son tour, devint insuffisante. Alors, la vapeur et la machine révolutionnèrent la production industrielle. La grande industrie moderne supplanta la manufacture; la moyenne bourgeoisie industrielle céda la place aux millionnaires de l'industrie, aux chefs de véritables armées industrielles, aux bourgeois modernes.

La grande industrie a créé le marché mondial, préparé par la découverte de l'Amérique. Le marché mondial accéléra prodigieusement le développement du commerce, de la navigation, des voies de communication. Ce développement réagit à son tour sur l'extension de l'industrie; et, au fur et à mesure que l'industrie, le commerce, la navigation, les chemins de fer se développaient, la bourgeoisie grandissait, décuplant ses capitaux et refoulant à l'arrière-plan les classes léguées par le moyen âge.

La bourgeoisie, nous le voyons, est elle-même le produit d'un long développement, d'une série de révolutions dans le mode de production et les moyens de communication...

La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux, Le maintien sans changement de l'ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement con­tinuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système ­social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l'époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d'idées antiques et vénérables, se dissolvent; ceux qui les remplacent vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s'en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d'existence et leurs rapports réci­proques avec des yeux désabusés.

Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s'implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations.

Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale. Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore chaque jour. Elles sont supplantées par de nouvelles industries, dont l'adoption devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées. industries qui n'emploient plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des régions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seule­ment dans le pays même, mais dans toutes les parties du globe. A la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satis­faction les produits des contrées et des climats les plus loin­tains. A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant â elles-mêmes se développent des relations uni­verselle, une interdépendance universelle des nations. Et ce qui est vrai de la production matérielle ne l'est pas moins des produc­tions de l'esprit. Les oeuvres intellectuelles d'une nation devien­nent propriété commune de toutes. L'étroitesse et 1'exclusi­visme nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles; multiplicité des littératures nationales et locales naît une littérature universelle.

Par le rapide perfectionnement des instruments de production et l’amélioration infinie des moyens de communication, la bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu'aux nations les plus barbares. Le bon marché de ses produits est la grosse artillerie qui bat en brèche toutes les murailles de Chine et contraint à la capitulation les barbares les plus opiniâ­trement hostiles aux étrangers. Sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production ; elle les force à introduire chez elles la prétendue civilisation. c'est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle se façonne un monde à son image…

…La bourgeoisie supprime de plus en plus l'émiettement des moyens de production, de la propriété et de la population. Elle â aggloméré la population, centralisé les moyens de production et concentré la propriété dans un petit nombre de mains. La conséquence fatale de ces changements a été la centralisation politique. Des provinces indépendantes, tout juste fédérées entre elles, ayant des intérêts, des lois, des gouvernements, des tarifs douaniers différents, ont été réunies en une seule nation, avec un seul gouvernement, une seule loi, un seul intérêt national de classe, derrière un seul cordon douanier.

La bourgeoisie, au cours de sa domination de classe à peine séculaire, a créé des forces productives plus nombreuses et plus colossales que l'avaient fait toutes les générations passées prises ensemble. La domestication des forces de la nature, les machines. l'application de la chimie à l'industrie et à l'agriculture, la navigation à vapeur, les chemins de fer, les télégraphes électri­ques, le défrichement de continents entiers, la régularisation des fleuves, des populations entières jaillies du sol - quel siècle antérieur aurait soupçonné que de pareilles forces productives dorment au sein du travail social?...

À la place s'éleva la libre concurrence, avec une constitution politique appropriée, avec la suprématie économique de la classe bourgeoise.

Nous assistons aujourd'hui à un processus analogue. Les conditions bourgeoises de production et d'échange, le régime bour­geois de la propriété, la société bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d'échange, res­semble au magicien qui ne sait plus dominer les puissances in­fernales qu'il a évoquées. Depuis des dizaines d'années, l'histoire de l’industrie et du commerce n'est autre chose que l'histoire de la révolte des forces productives modernes contre les rapports modernes de production, contre le régime de propriété qui conditionnent l'existence de la bourgeoisie et sa domination. Il suffit de mentionner les crises commerciales qui, par leur retour pério­dique, menacent de plus en plus l'existence de la société bourgeoise. ­Chaque crise détruit régulièrement une masse de produits déjà créés, mais encore une grande partie des forces productives déjà existantes elles-mêmes. Une épidémie qui, à tout autre époque, eût semblé une absurdité, s'abat sur la société- l'épidémie de la surproduction. La société ses trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée; on dirait qu’une famine, une guerre d'extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance ; l'industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d'industrie, trop de com­merce. Les forces productives dont elle dispose ne favorisent plus le régime de la propriété bourgeoise; au contraire, elles sont devenues trop puissantes pour ce régime qui alors leur fait obstacle ; et toutes les fois que les forces productives sociales triomphent de cet obstacle, elles précipitent dans le désordre la société bourgeoise tout entière et menacent l'existence de la propriété bourgeoise. Le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein. Com­ment la bourgeoisie surmonte-t-elle ces crises? D'un côté, en détruisant par la violence une masse de forces productives; de l’autre, en conquérant de nouveaux marchés et en exploitant plus les anciens. À quoi cela aboutit-il? A préparer des crises générales et plus formidables et à diminuer les moyens de les prevenir.

Les armes dont la bourgeoisie s'est servie pour abattre la féodalité se retournent aujourd'hui contre la bourgeoisie elle-même.

Mais la bourgeoisie n'a pas seulement forgé les armes qui la mettront à mort; elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes - les ouvriers modernes, les prolétaires…

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10 octobre 2008
KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME(1)

KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME

(TEXTES ET DOCUMENTS)

(1)

Depuis sa mort il y a 125 ans, en mars 1883, la bourgeoisie, ses laquais et ses chiens de garde répètent à qui veut l’entendre que Karl Marx est bien mort et que ses idées sont ringardes appartenant au XIXe siècle. Pourtant, aucun de ses détracteurs ne s’est montré capable de réfuter ses analyses du mode de production capitaliste exposées dans le « Capital » Se trouvant dans l’incapacité de se frotter à ce géant de la pensée, la bourgeoisie, aidée par une couche intellectuelle asservie, s’est employée à le discréditer et à entretenir dans les masses, l’amalgame entre marxisme, stalinisme et totalitarisme. Sentant l’imminence de leur déchéance sociale, politique, économique, la vie des palaces et des beaux quartiers, les intellectuels de la bourgeoisie et du grand capital paniquent et sombrent dans la dépression et les crises de nerfs. Il suffit d’observer attentivement leurs comportements lors des débats publics pour voir comment ils essaient, comme par le passé, de dégainer l’arme de la diversion en tirant la dernière cartouche qu’il leur reste dans le fusil: Marx= dictature communiste=Staline=Hitler=Goulag=totalitarisme.

Les textes et les documents que nous produisons ici et par la suite montrent d’une façon indiscutable l’actualité de Marx et la pertinence de ses analyses des crises du capitalisme. Car Karl Marx n’était pas seulement un théoricien et un philosophe mais aussi un observateur des grands événements de son époque. Son activité journalistique n’était pas moins importante que ses recherches théoriques et ses connaissances encyclopédiques. La bourgeoisie a tout fait au cours de son histoire pour éviter d’avoir un deuxième et un troisième Karl Marx, car déjà avec un seul elle a le grand mal pour s’en débarrasser à juger le nombre de fois qu’il a été déclaré mort depuis sa mort physique il y a 125 ans. L’article de Karl Marx que nous produisons ci-après est paru dans le journal américain New York Tribune le 6 décembre 1856. Pour aider le lecteur à comparer avec la crise actuelle et pour bien situer l’article de Marx dans le contexte de l’époque, nous avons procédé à une rétrospective.

D’abord, cet article publié dans le New York Tribune le 6 décembre 1856 traduit l’ambiance d’une Europe en proie à des crises économiques chroniques et à des révolutions politiques. L’Europe a connu des crises avant le XIXe siècle mais ces crises étaient dues souvent à une sous-production agricole. Sans la crise agricole qui pointait son nez, la Révolution française serait impensable. Les crises du capitalisme commencent réellement au début du XIXe siècle, voici leur prdre chronologique :

-1816, crise commerciale. Après les guerres napoléoniennes en 1816 , après Waterloo, à l’instar des Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne, victorieuse de Napoléon, avait inondé le continent avec ses produits textiles et mécaniques fabriqués en série et à moindre coût par son industrie après la révolution industrielle de la fin du XVIIIe siècle. Mais face à une Europe appauvrie et dominée par les produits français et belges, le marché s’était montré incapable d’absorber les produits anglais. Du coup, c’est l’engorgement de stocks. La reprise du commerce international a contribué encore un peu plus à l’aggravation de la situation en favorisant l’entrée de produits alimentaires importés : résultat, les prix agricoles anglais chutent. L’affolement, l’inflation et la spéculation créent une ambiance de panique débouchant sur une crise monétaire avec de nombreuses faillites de banques comme c’est le cas aujourd’hui aux Etats-Unis et en Europe. Tous les secteurs de l’économie sont atteints, d’une crise économique aggravée par la mauvaise récolte de 1817. Après quelques années de stagnation industrielle et commerciale, l’Europe assiste à la reprise de con économie. C’est en observant ce phénomène de crise et de reprise que Ricardo avait conclu qu’une crise de surproduction prolongé était impossible, que les surplus seraient épongés et que l’équilibre économique se rétablirait de lui-même.

-1825, une nouvelle crise, une crise boursière celle-là, partie de Londres à la suite de spéculations hasardeuses des banques en Amérique latine. La hausse des taux d’escompte freine le crédit et l’investissement entraînant une grave récession du textile et du commerce anglais. Ce sont les Etats-Unis qui avaient été atteints devant l’impossibilité d’exporter leurs cotons.

-1836-1839, crise financière frappant la Grande-Bretagne et les Etats-Unis après des spéculations hasardeuses au Portugal et en Espagne et une hausse du prix du coton.

-1846-1851, une période de longues dépressions provoquées par une crise agricole due à la maladie des pommes de terres en Irlande, les mauvaises récoltes de coton aux Etats-Unis, la hausse des prix des céréales suite au gel des emblavures en Europe durant l’hiver 1846-1847. cette crise agricole sera doublée d’une crise financière en Europe et aux Etats-Unis provoquée par l’assèchement du crédit conduisant les compagnies ferroviaires à la faillite. Puis la crise financière finit par induire tout naturellement une crise industrielle car la consommation s’arrête faute de pouvoir d’achat des particuliers.

-1857, première crise de surproduction agricole. Le blé américain ne s’exporte concurrence par les bonnes récoltes européennes et la reprise des livraisons russes de blé après la guerre de Crimée. Pour acheter leurs produits manufacturés à l’Europe, les banques américaines ont dû emprunter massivement aux banques anglaises. Une crise du crédit s’enclenche suite à la spéculation.

-1866, crise financière généralisée provoquée par l’arrêt de l’approvisionnement de l’Europe par le coton américain après cinq années de guerre de Secession, obligeant ainsi les industries européennes à se tourner vers l’Inde et l’Egypte. Du coup, pour la première fois dans l’histoire du capitalisme, et les Etats européens et les Etats-Unis se trouvent touchés par une grave crise financière due à l’internationalisation du capital et l’extension des aires d’approvisionnement.

- 1873, crise de surproduction doublée d’une crise financière due à l’arrivée sur le marché de nouveaux concurrents, l’Allemagne, les Etats-Unis et l’Italie. L’origine de la crise est industrielle due à uen surproduction généralisée des industries textiles et sidérurgiques. La crise financière a pour origine la banqueroute espagnole, la suspension des paiements des dettes turques et les difficultés d’Amérique latine et la Russie. D’où une chute brutale des prix et corollaire des prix, des salaires et des profits.

Pour surmonter ces crises, les fades Simiand, Kondratieff, Schumpeter et Juglar parlent de cycles et de fluctuations comme leurs compères, les keynésiens qui pensent à tort d’avoir résolu la crise de 1929 par une politique de la relance de la demande et des grands travaux du New Deal. Ces économistes vulgaires s’inspirent des principes de l’homéostasie et de la cybernétique pour expliquer les crises du capitalisme. Leurs théories du cycle et des fluctuations sont trop statiques et trop simplistes pour expliquer les crises du capitalisme conçues, à l’instar du corps humain, en termes de normal et de pathologique. Le système capitaliste est ainsi présenté comme un corps humain où à la maladie se succède la santé, et où après une période de « surmenage »(lire surproduction), il y a la purge où les choses reviennent à leur équilibre initial. Malheureusement, la réalité est tout autre, car historiquement parlant, ce sont l’impérialisme (Conférence de Berlin convoquée par Bismarck pour coloniser le continent africain), et les deux guerres mondiales du XXe siècle qui ont permis au capitalisme de résoudre ses contradictions et de surmonter ses crises chroniques et cycliques. À ce jour, Le tribut payé par l’humanité depuis le début du XIXe siècle se révèle trop lourd. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les hommes sont toujours prêts à se sacxrifier et à commetre l’homicide collectif pour sauver quelques profiteurs et quelques exploiteurs ou s’il faut choisir une autre voie et un autre système de production et de consommation susceptibles de rendre aux hommes leur dignité et à la nature sa place de terre nourricière et de protectrice du genre humain. C’est aujourd’hui ou jamais de choisir l’une ou l’autre voie, sinon demain sera trop tard.

FAOUZI ELMIR

La crise en Europe au XIXe siècle

Karl Marx, New York Tribune, 6 décembre 1856.

Les nouvelles qui nous sont parvenues cette semaine par les deux vapeurs arrivés d'Europe semblent manifestement différer l'effondrement définitif de la spéculation et des jeux en bourse que les hommes des deux côtés de l'Océan voient venir instinctivement comme dans l'attente d'un destin irrémédiable. Cet effondre­ment est certain, même s'il est différé. En fait, le caractère­ chronique que l'actuelle crise financière a pris ne fait qu'annoncer une issue encore plus violente et désastreuse de cette crise. Plus la crise sera longue, plus les comptes seront sévères. L'Europe se trouve en ce moment dans la situation d'un homme au bord de la banqueroute qui est obligé, à la fois de continuer à exercer toutes ses entreprises qui l'ont amené à la ruine à saisir tous les moyens désespérés possibles avec lesquels il espère différer et empêcher l'ultime krach effroyable, Les hommes d'affaires lancent des appels aux actionnaires qui n'ont pas encore payé complè­tement leurs actions, celles-ci n'étant que du capital sociétés fictives, D'énormes sommes d'argent comp­tant sont investies en spéculations, dont elles ne pour­ront jamais plus être retirées, tandis que le taux d'intérêt élevé - actuellement de 7% à la Banque d'Angleterre - est de même un sévère annonciateur du Jugement imminent.

Même si les manipulations financières que l'on tente en ce moment, étaient couronnées du plus grand succès. il est impossible que les innombrables spéculations en bourse puissent se poursuivre encore davantage sur le continent. Dans la seule Rhénanie, il y a 72 nouvelles sociétés minières avec un capital d'actions de 79 797 333 thalers. En ce moment même, le Crédit mobilier autrichien, ou mieux le Crédit mobilier français en Autriche rencontre les pires difficultés dans sa tentative d'obtenir le paiement du second versement sur ses actions, étant donné qu'il est paralysé par les mesures du gouvernement autrichien visant la reprise des paiements au comptant. L'argent à payer au Trésor impérial pour l'achat des chemins de fer et des mines doit, selon les termes du contrat, être payé en espèces sonnantes et trébuchantes; ce qui aura pour consé­quence un drainage des ressources du Crédit mobilier de plus de 1000 000 dollars par mois jusqu'en février ­1858. Par ailleurs, les difficultés monétaires des entre­prises de chemin de fer sont si durement éprouvées en France que le réseau Grand-Central s'est vu contraint de licencier cinq cents fonctionnaires et cinq mille ouvriers sur la ligne de Mulhouse et que la société ferroviaire Lyon-Genève a dû restreindre, sinon interrompre ses activités. L'Indépendance Belge a été par deux fois saisie en France, parce qu'elle rapportait ces faits. À propos de l'irritabilité du gouvernement français, voici quelques mots intéressants qui ont échappé à M. Petit, le représentant du procureur général lors de l’ouverture de la session des tribunaux parisiens : « Examinez les statistiques, et vous y apprendrez quelque chose d'intéressant sur les tendances actuelles du commerce. Le nombre des faillites augmente d'année en année; en 1851, il y en avait 2 305; en 1852, 2 478; en 1853, 2 671, et 1854, 3 691. Cette élévation se constate pour les banqueroutes aussi bien frauduleuses que simples. Les premières ont augmenté depuis 1851 de 66 %, et les secondes de 100 %. Les falsifications portant sur la qualité et la quantité des marchandises vendues ainsi que l'utilisation de faux poids et mesures ont augmenté des proportions effrayantes. En 1851, nous en avons 1 717 cas, en 1852, 3 763 et en 1854, 7 831. »

Et pourtant la presse britannique nous assure que ces phénomènes démontrent que le pire est passé dans la rise sur le continent. Mais nous aurions le plus grand mal à démontrer cette issue heureuse par des arguments convaincants. Nous ne les trouvons pas dans le relèvement du taux de l'escompte à 7 % par la Banque d'Angleterre: pas plus que dans le dernier bulletin de la Banque de France qui non seulement laisse clairement percevoir qu'il a été truqué, mais montre même assez clairement que la Banque, malgré plus fortes restrictions des emprunts, des prêts, des escomptes et de l'émission de billets de banque n'a pas en mesure de freiner l'hémorragie des métaux précieux ou d'éviter l'agio sur l'or. Mais quoi qu'il qu’il en soit, il est certain que le gouvernement français ne partage nullement les perspectives optimistes qu'il s’efforce soigneusement de répandre à l'intérieur et à l’extérieur. On sait à Paris que l'Empereur, au cours de ces dernières six semaines n'a pas reculé devant les plus étonnants sacrifices d'argent pour maintenir la rente au-dessus de 66 %, étant donné qu'il a non seu­lement la conviction, mais encore la ferme superstition que la chute en dessous des 66 % sonnerait le glas de son Empire, Manifestement l'Empire français se distingue du Romain en ceci: l'un craignait sa mort de l’avance des barbares, l'autre du recul des spéculateurs bourse.

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08 octobre 2008
KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME

KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME

(Textes et documents)

Le monde capitaliste vit ses derniers jours. Il est à l’agonie mais il n’est pas tout à fait mort. Loin de là. Il peut agoniser pendant des mois et des années mais il ne pourra plus jamais se relever, car il est parvenu comme tout organisme à la fin de son cycle naturel et il est condamné à mourir de sa mort naturelle. Il est même étonnant qu’il ait pu vivre si longtemps et surmonter tant de crises et d’épreuves depuis le milieu du XIXe siècle. Le monde dans lequel nous sommes entrés se trouve aujourd’hui à un tournant décisif qui va dessiner sûrement les contours d’un monde nouveau. Des révolutions, comme celles que l’Europe a connues dans le passé, à deux reprises en 1830 et en 1848, ne sont pas exclues au fur et à mesure de l’aggravation de la crise actuelle et l’exacerbation des antagonismes sociaux. Pour peu que l’on s’intéresse à l’histoire économique, sociale et politique de ces deux siècles, les contradictions du capitalisme n’ont jamais été résolues d’une manière pacifique mais par les guerres et l’impérialisme. Mais les rapports de force à l’échelle mondiale ont changé et les Etats capitalistes sont aujourd’hui à genoux. On est très loin des conditions politiques et économiques qui prévalaient à la veille des deux guerres mondiales.

Pour ceux qui ont lu Marx et le « Capital », la crise actuelle n’a rien de fortuit. Pour Marx, la crise est une donnée inhérente au mode de production capitaliste et la manifestation violente de la contradiction entre la production devenue sociale et le mode d’appropriation privé. Contrairement aux économistes vulgaires et sous-vulgaires qui occupent actuellement l’espace médiatique, la crise ne part pas de l’argent et des finances mais de la production avant d’arriver au marché. Celui-ci étant le révélateur de la crise. La théorie marxiste de la crise est parfaitement établie depuis un siècle et demi malgré les dénégations de ses ennemis. Marx n’a certes pas bu le calice jusqu’à la lie pour tout voir et tout prévoir, mais ses analyses des crises du capitalisme de son temps, notamment la crise générale qui frappa l’Europe entre 1847-1857, se révèlent d’une brûlante actualité. C’est pour cela, nous avons jugé nécessaire de publier sur le blog certains articles de Marx et d’Engels sur la crise parus dans certains journaux de l’époque.

http://blinternational.canalblog.com/archives/crise/index.html

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