jeudi 13 mai 2010

KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME

14 octobre 2008
KARL MARX ET LA CRISE DU CAPITALISME(4)

(TEXTES ET DOCUMENTS)(4)

L’écroulement du système financier capitaliste et avec lui l’archéo-libéralisme qui fut l’idéologie d’accompagnement du capitalisme sénile durant ces derniers vingt-cinq ans propulsent le nom de Karl Marx sur la scène intellectuelle mais aussi médiatique. Médiatique, car, ceux qui ont l’habitude de suivre les guignols de l’info sur la chaîne câblée Canal+, découvrent que le présentateur PPDA ouvre son journal du 13 octobre 2008 en décernant le prix Nobel de l’économie non pas, comme l’a fait sérieusement la fondation suédoise, à l’américain Krugman mais à Karl Marx pour sa théorie de la crise du capitalisme. Les analyses et les commentaires sur la crise financière actuelle font abondement référence à Marx et à sa théorie de la crise du capitalisme (par exemple un article d’Alain de Benoït du 10 octobre lu sur mecanopolis). Car, alors que tout le monde croyait que la fin de l’histoire coïncide avec le capitalisme triomphant de l’après-guerre froide(Fukuyama), Marx refait surface et devient ces jours-ci une référence incontournable pour tous ceux qui veulent comprendre non seulement les tenants et aboutissants de la crise financière actuelle mais aussi l’après-crise. Même le guide de la Révolution iranienne, l’ayatollah Khamenei estime que le capitalisme est en train de s’écrouler après le marxisme. Deux commentaires rapides sur la déclaration de l’ayatollah Khamenei. Primo, il pense que Marx et la pensée marxiste ont disparu avec le bloc communiste, ce qui est faux et archi-faux. Secondo, il est bien connu que l’Islam politique, malgré la rhétorique anticapitaliste et anticapitaliste, est l’allié objectif du capitalisme et de l’impérialisme. Deux exemples nous font comprendre cette collision entre l’islam politique, capitalisme et impérialisme. Le premier exemple est celui du soutien financier et en armement de l’Arabie Saoudite et des Etats-Unis aux Talibans pour lutter contre la présence soviétique en Afghanistan. Le deuxième exemple, le soutien apporté par l’Arabie Saoudite et discrètement par l’Iran aux Etats-Unis pour l’invasion de l’Irak. À notre connaissance, depuis le XIXe siècle, aucun ne s’est montré capable d’infirmer les analyses marxistes du capitalisme. Les adversaires et détracteurs de Marx et le marxisme ont une seule arme, la diversion, la simplification, la mutilation d’une pensée et l’art de l’amalgame(Marx=Staline=Goulag=Totalitarisme).

Les explications de la crise du capitalisme chez Marx se révèlent d’une brûlante actualité. Pourquoi seront-elles caduques ? La nature du capitalisme a-t-elle changé depuis le XIXe siècle ? La loi du profit du capitalisme du XIXe siècle n’est-elle plus de mise aujourd’hui, au XXIe siècle ? Le capitaliste est-il devenu un philanthrope qui distribue ses profits aux salariés ? À vrai dire, le seul changement entre le capitalisme au temps de Karl Marx et le capitalisme d’aujourd’hui en 2008, c’est le casting, c’est-à-dire le changement de noms des détenteurs du pouvoir économique et politique. À part ce changement de personnes dû à l’implacable loi de la mortalité biologie, le système capitaliste est intact tant dans sa structure, la propriété privée et le salariat que dans sa finalité, le profit et l’accumulation du capital. Dans les Luttes de classes en France(1848-1850), Karl Marx écrit ceci « Après la révolution de Juillet, lorsque le banquier libéral Laffitte conduisit en triomphe son compère le duc d’Orléans à l’Hôtel de Ville, il laissa échapper ces mots « Maintenant, le règne des banquiers va commencer » Laffitte venait de trahir le secret de la révolution »(Karl Marx, Œuvres choisies, Tome 1, éditions du progrès, 1978. pp 213-214). Quand on voit comment les États et les gouvernements capitalistes en Europe et aux Etats-Unis se sont mobilisés ces jours-ci pour sauver des banquiers en faillite, n’est-ce pas le règne des banquiers qui continue depuis que cette phrase de Karl Marx citée ci-haut et qui remonte à plus d’un siècle et demi ? Le capitalisme d’aujourd’hui est-il vraiment différent de celui du XIXe siècle ? Il n’y a que les imbéciles et les crétins qui pensent le contraire. C’est pourquoi l’article de Karl Marx publié dans le New York Daily Tribune le 15 octobre 1856 livre certes des informations précieuses sur la crise monétaire de son temps mais il suggère aussi des pistes et des idées sur ce qu’il nous attend, hommes et femmes du XXIe siècle, dans les mois et les années à venir. (F.E)

La crise monétaire en Europe

KARL MARX, New York Daily Tribune, 15 octobre 1856.

La crise commerciale générale qui éclata en Europe à l’automne 1847 et dura jusqu'au printemps 1848, eut comme préliminaire une panique sur le marché finan­cier de Londres qui commença dans les derniers jours d’avril et atteignit son paroxysme le 4 mai 1847. Toutes les transactions monétaires furent alors au point mort. Cependant, la pression se relâcha le 4 mai, si bien que journalistes et hommes d'affaires se congratulèrent sur le caractère purement fortuit et éphémère de la panique. Quelques mois après, ce fut la crise commer­ciale et industrielle dont la panique monétaire n'avait été que le présage et le prélude.

On observe à présent sur les marchés financiers euro­péens, une panique évoluant comme en 1847. Cepen­dant, l'analogie n'est pas totale. Au lieu de se déplacer, comme en 1847, d'Ouest en Est - de Londres via Paris vers Berlin et Vienne - l'actuelle panique s’étend d'Est à l'Ouest; son point de départ était l'Alle­magne, d'où elle gagna Paris pour atteindre finalement Londres. En raison de sa lente progression, elle avait pris à l'époque un caractère local, alors qu'à présent elle prend un caractère général de par la rapidité de son extension. En 1847, elle dura une semaine, alors qu'elle dure maintenant depuis trois semaines. Autref­ois, rares étaient ceux qui présageaient qu'elle fût le prodrome d'une crise générale, alors que personne n'en doute aujourd'hui- hormis ces Anglais qui se figurent faire l'histoire, en lisant le Times. Autrefois les poli­ticiens les plus clairvoyants redoutaient une répétition des crises de 1825 et 1836; aujourd'hui, ils sont per­suadés qu'elle n'est qu'une édition élargie non seule­ment de la crise de 1847, mais encore des révolutions de 1848.

Les préoccupations des classes dominantes d'Europe sont aussi vives que leurs déceptions. Tout était allé selon leurs vœux depuis la mi-1849, hormis le petit nuage à leur horizon social que fut la guerre de Crimée. À présent que la guerre est terminée ou tenue pour terminée, elles font partout la même découverte que les Anglais après la bataille de Waterloo et la paix de 1815, lorsque les communiqués de guerre cédèrent la place aux bulletins sur la crise agricole et indus­trielle. En vue de sauver leur propriété, elles avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour abattre la révolution et écraser les masses - pour se rendre compte à la fin qu'elles avaient été elles-mêmes l'instru­ment d'une révolution des rapports de propriété qui fut plus importante que celle que les révolutionnaires de 1848 eux-mêmes avaient pour objectif. Elles obser­vent devant elles une banqueroute universelle qui doit coïncider - comme elles en ont le pressentiment - avec le jour où se règlent les transactions du grand Bureau de Prêt à Paris. Or si les Anglais constatèrent à leur grand étonnement après 1815 - lorsque Castle­reagh, « l'homme de la stricte voie du devoir » se trancha la gorge à lui-même - qu'il avait été fou, les spéculateurs en Bourse de l'Europe commencent à se demander avant même que la tête de Bonaparte ne soit coupée, s'il a jamais été sain d'esprit. Ils savent que tous les marchés sont sursaturés de produits importés, que toutes les couches des classes possédantes, même celles qui auparavant n'en étaient pas infectées, ont été entraînées dans le tourbillon de la folle spéculation­ a laquelle aucun pays d'Europe n'échappe plus, et a exigences des gouvernements vis-à-vis de leurs payeurs d'impôts sont poussées à leur paroxysme. En 1848, les événements qui suscitèrent directement la révolution, avaient un caractère purement politique- par exemple, les banquets du mouvement de Réforme en France, la guerre de séparatisme suisse, les débats de la Diète unie de Berlin, les mariages espagnols, les troubles au Schlesvig-Holstein, etc. - et lorsque les soldats de la révolution, les ouvriers parisiens, proclamère­nt que la révolution de 1848 serait une révolution sociale, les généraux qui la commandaient furent aussi stupéfaits que le reste du monde. En revanche, à présent, ­on tient en général pour évidente une révolution socia!e, qui n'est pas provoquée par des conjurations souterraines de sociétés secrètes, mais par les machi­nations publiques du Crédit mobilier des classes domi­nantes. C'est ce qui explique que les préoccupations classes dominantes d'Europe soient troublées par le pressentiment que ce furent seulement leurs victoires sur la révolution qui ont servi à créer les conditions matérielles de l'année 1857 pour la réalisation des tendances idéalistes de 1848. En ce sens, toute la période allant de la mi-1849 à ce jour ne serait qu'un sursis que l'histoire aurait accordée à la vieille société européenne pour lui permettre un dernier épanouissement concentré de toutes ses potentialités. En politique, le culte de l'épée; en morale, la corruption générale et le retour hypocrite à la superstition surannée; en économie politique, la soif de devenir riche sans se donner la peine de travailler - telles furent les tendances que cette société manifesta au grand jour au cours de ses­ de ses orgies contre-révolutionnaires de 1849 à 1856.

Par ailleurs, si nous comparons les effets de cette brève panique financière avec les effets qu'ont eues les proclamations de Mazzini et consorts, on s'aperçoit toute l'histoire des erreurs des fameux révolution­naires depuis 1849 sera d'emblée dépouillée de ses mystères. Ils ignorent, en effet, toute vie économique des peuples; et ignorent plus encore les conditions réelles de l'évolution historique. Lorsqu'une nouvelle révolution éclatera, ils auront un droit plus grand que Ponce Pilate à se laver les mains en toute innocence- et ils ne manqueront pas d'ailleurs de proclamer qu'ils sont innocents du sang répandu.

Nous avons dit que l'actuelle panique financière européenne a éclaté d'abord en Allemagne, et les jour­naux à la solde de Bonaparte se sont précipités sur ce fait pour se laver de tout soupçon d'avoir participé le moins du monde à l'explosion brutale de la panique. Ainsi lisons-nous dans le Constitutionnel de Paris :

« Le gouvernement s'est mis en devoir, dès la conclu­sion de la paix, de juguler l'esprit d'entreprise, en ­remettant à plus tard plusieurs nouvelles concessions, et en interdisant l'application de nouveaux projets en ­bourse. Cependant, d'où proviennent ces excroissance­s ? Si une partie en était née sur le marché français, ce fut certainement la plus petite. Dans leur zèle, nos sociétés ferroviaires agirent peut-être avec trop de hâte dans l'émission de bons, dont le produit était destiné à la construction de lignes secondaires. Mais cela n'aurait pas provoqué de difficultés, si les innombrables entreprises étrangères n'avaient pas poussé subitement comme de la mauvaise herbe. Avant tout, l'Allemagne qui n'avait pas pris part à la guerre, se rua inconsidérément sur tous les projets possibles. Or, comme elle ne dispose pas elle-même de ressources suffisantes, elle eut recours à celles de la France, et comme le marché ­officiel lui était fermé, elle se tourna vers les spéculateurs des bourses borgnes. C'est ainsi que la France devint le centre de projets cosmopolites qui offrent aux nations étrangères la possibilité d'un enrichissement aux dépens des intérêts nationaux. Les capitaux se firent en conséquence rares sur notre marché, et nos valeurs trouvant peu d'acheteurs subirent une telle dévalorisation que le public en est étonné face à tant d'éléments de richesse et de prospérité.

Après avoir donné cet exemple de l'absurdité des milieux impériaux officiels sur les causes de la panique européenne, nous ne pouvons pas ne pas citer aussi un exemple pour la conception qu'en a l'opposition tolérée par Bonaparte.

L’Assemblée nationale écrit ainsi : « L'existence d'une crise peut être niée; cependant, nous devons admettre que la prospérité est en train de décliner quelque peu, si nous considérons la baisse récente des recettes des chemins de fer, le recul des prêts bancaires sur les traites marchandes et la baisse de 25 millions de francs des droits douaniers perçus au cours des sept premiers mois de cette année sur les produits expor­tés»

En Allemagne, depuis la contre-révolution de 1849, les éléments dynamiques de la bourgeoisie ont concentré toute leur énergie sur des entreprises com­merciales et industrielles, de même que la partie pen­sante de la nation a abandonné les exercices philosophiques au profit des sciences de la nature. En restant neutres dans la guerre, les Allemands ont accumulé autant de capital que les Français en ont gaspillé à la guerre. Le Crédit mobilier qui observa cet état de fait chez les Allemands préoccupés d'accu­muler rapidement du capital pour développer une industrie nouvelle, voulut bien condescendre à se consi­dérer comme l'objet approprié à ces opérations. En effet, l'alliance passive entre Bonaparte et l'Autriche avait déjà attiré son attention sur les domaines inexplo­rés de l'Autriche, de la Hongrie et de l'Italie. Cepen­dant, bien que le Crédit mobilier ait donné l'exemple de cette spéculation et que l'on en prît l'initiative en Allemagne, il fut lui-même effrayé par la croissance inopinée des entreprises de spéculation et des instituti­ons de crédit auxquelles il avait donné l'impulsion.

Les Allemands de 1855-1856 se virent octroyés les statuts spéculateurs des Crédits mobiliers de manière aussi définitive que les Allemands de 1831 avaient reçu toutes prêtes les constitutions politiques de France 19. C'est ainsi qu'un Français du XVIIe siècle avait constaté avec surprise que la cour de Louis XlV était ressuscitée outre-Rhin avec une magnificence-encore plus grande, et c'est ainsi que les Français du siècle dernier furent étonnés de trouver en Alle­magne soixante-deux assemblées nationales, alors qu'ils s'étaient eux-mêmes donné tant de mal pour n'en avoir qu’une seule. Au plan économique, il se trouve que l'Allemagne n'est pas du tout un pays décentralisé, ce serait plutôt la centralisation qui serait décentralisée, bien qu'au lieu d'un centre il en existe un très grand nombre.

Un tel pays était donc tout à fait propre à se déve­lopper dans les plus brefs délais et à tous les points de vue dans la direction indiquée par les manœuvres que lui a enseignées le Crédit mobilier, de même que les modes parisiennes se diffusent bien plus rapidement en Allemagne qu'en France. Telle est la cause immédiate de ce que la panique a éclaté d'abord, et avec le plus d'extension, en Allemagne, Dans un prochain article, nous exposerons l'histoire de cette panique ainsi que ses causes immédiates.
http://blinternational.canalblog.com/archives/2008/10/14/10948305.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire