Le groupe G20 se réunit ce week end à Washington pour débattre de la crise financière qui secoue le monde capitaliste depuis la faillite des grandes banques et des compagnies d’assurance aux Etats-Unis et en Europe. À cette réunion appelée « sommet des marchés financiers et l’économie mondiale » participent 21 pays (Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Etats-Unis, France, Inde, Corée du Sud, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie), l’Union européenne représentée par Sarkozy et Barorso, quatre organisations mondiales, l’ONU, la Banque mondiale, le FMI et le Club de réflexion sur la finance mondiale. Deux États membres de l’Union européenne ont décidé de participer à la réunion de Washington, l’Espagne et les Pays-bas. La réunion connue sous le nom de G 20 est consacrée à la recherche de nouvelles bases destinées à relancer l’économie mondiale et à édicter de nouvelles règles relatives au système financier international.
Ce sommet du G 20 représente un tournant dans l’histoire du monde et l’histoire le prouvera d’ici quelles années. Il traduit un changement radical dans les rapports de force entre l’Occident et le reste du monde. C’est la fin du capitalisme qui est aussi celle de l’hégémonie occidentale qui dure depuis plus de cinq siècles, plus précisément depuis la découverte du Nouveau Monde en 1492. il y a encore quelques mois, ce sont les Etats capitalistes du Centre(Etats-Unis, Europe) qui dictaient leur loi aux autres Etats de la planète et qui décidaient à l’avance et les règles du jeu et les acteurs participants au jeu. Il suffit de voir avec quelle arrogance les quelques puissances capitalistes au XIXe siècle et jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale (Angleterre, France, Allemagne, Russie, Italie) se comportaient quand il a fallu dépecer l’Empire ottoman, « l’homme malade de l’Europe », coloniser tout un continent(Conférence de Berlin 1885) ou créer à la carte une myriade d’Etats dans la région du Moyen-Orient ou sur le continent indien(quatre Etats). Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis avaient imposé au monde entier lors de la Conférence Monétaire réunie à Bretton-Woods le 27 juillet 1944 son Gold Exchange Standard ou étalon-or. Cette suprématie monétaire américaine a duré jusqu’au 15 août 1971 date de la non convertibilité du dollar en or. Pour couvrir leursguerres impérialistes, les Etats capitalistes ont créé l’ONU et son conseil de sécurité devenu un simple bureau d’enregistrement de mandats à imposer aux pays conquis par la force et la violence. Au sein du GATT d’hier et de l’OMC aujourd’hui, les Etats du tiers-monde étaient le cadet des soucis des Etats capitalistes qui imposaient leur loi et leurs règles en matière de commerce international en refusant constamment d’abaisser leurs tarifs douaniers. Les échecs successifs des négociations commerciales lors des différentes sessions de l’OMC et du cycle de Doha traduisent à la fois l’arrogance et l’intransigeance des Etats capitalistes en matière de commerce international. Depuis les années 1960, les États du Tiers-monde ont essayé d’instaurer un Nouvel Ordre Economique International mais sans résultat. Il a fallu la crise financière actuelle pour que les Etats capitalistes du Centre(Etats-Unis et Europe) découvrent enfin et comme par hasard qu’il existe des Etats du Tiers-monde à qui ils demandent de l’aide financière et commerciale pour sauver un système capitaliste en fin de vie. Les Etats du Tiers-monde n’ont d’ailleurs aucun intérêt à maintenir un système fondé sur le pillage de leurs ressources naturelles et de leur sous-développement chronique. Bien au contraire, leur salut réside justement dans la destruction du capitalisme.
Désorientés, déprimés, maniaco-dépressifs, les dirigeants des Etats capitalistes sont plongés dans le désarroi total, ils ferraillent partout et ils ne savent plus sur quel pied danser. Depuis la faillite en série des grandes banques et des sociétés d’assurance aux Etats-Unis et en Europe, on ne compte plus les réunions et les sommets consacrés à la crise. Les plans de sauvetage se multiplient un peu partout dans les pays capitalistes appuyés par une armée d’experts en économie qui cherchent à rassurer des opinions publiques traumatisées après des décennies de propagande archéo-libérale qui leur promettait un nouveau paradis terrestre avec la restauration de la sacro-sainte loi du marché. Bien que l’argent public coule à flot, les résultats se font attendre et personne ne voit rien venir. Pire, après les banques, les compagnies d’assurances et les bourses, c’est au tour du secteur automobile, le seul secteur qui reste dans les Etats capitalistes du Nord, qui est sur le point de s’effondrer. Au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, les choses empirent et se dégradent jour après jour avec à la clé des millions de chômeurs de plus qui viendront gonfler une armée de pauvres, d’expropriés, de spoliés, d’exclus et de laissés pour compte. Si, malgré cette mobilisation sans précédent de moyens financiers, il n’existe aucune perspective encourageante et aucune lueur d’espoir, c’est que le remède administré n’est pas approprié au mal et c’est parce qu’il y a une erreur de diagnostic de la cause du mal qui ronge le cœur du système capitaliste du centre(Etats-Unis, Europe, Japon). Car si à ce jour les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous, c’est parce que ceux qui veulent soigner le malade n’arrivent pas à établir une distinction entre la cause du mal et ses symptômes pathologiques en prenant le symptôme pour la cause. La faillite du système financier actuel n’est pas la cause de la crise, elle en est seulement le symptôme et la pathologie et il ne suffit pas d’injecter des centaines et des milliers de milliards de dollars dans le circuit financier ou de réformer les fondements et les règles du système financier pour remettre le système en marche. Le mal qui ronge le système capitaliste n’est pas le manque d’argent ou le manque d’argent, mais son engorgement et son problème, pour paradoxal que cela puisse paraître, c’est qu’il y des capitaux colossaux amassés depuis une vingtaine d’années gagnés dans les spéculations boursières et qui se retrouvent sur le marché. La cause du mal réside aujourd’hui non pas dans le manque d’argent mais dans l’économie réelle qui est la seule génératrice de valeur et de plus-value. Revenons un instant à la période juvénile du capitalisme. Ce qui a contribué au développement du capitalisme Occidental malgré les crises qui le traversaient à intervalles réguliers, ce n’est pas le système bancaire ou le système financier mais l’industrie cotonnière, la sidérurgie, le charbon, les chemins de fer, le textile. Le coton a créé en grande partie la région industrielle moderne en Europe et aux Etats-Unis. C’est plutôt la croissance industrielle qui était le moteur du développement du système financier et non l’inverse. Ce qui a fait de l’Angleterre la première puissance industrielle, ce n’est pas la banque d’Angleterre qui existe depuis le XVIIe siècle mais les productions charbonnières et métallurgiques. On peut multiplier les exemples pour les autres Etats du Continent. Jadis quand le capital privé était en crise, les Etats nationaux venaient à son secours en l’aidant à retrouver après une période de convalescence un taux moyen de profit pour pouvoir rebondir de nouveau. Mais, aujourd’hui après les politiques de dérégulation en Europe et aux Etats-Unis, les Etats capitalistes se trouvent désarmés pour jouer le rôle qui était les leurs dans le passé. Du coup, tout ce qui a été fait et annoncé jusqu’ici depuis le début de la crise n’a eu aucun impact sur le cours des choses à juger par l’aggravation progressive de la situation. Jusqu’aux 1970, les Etats nationaux disposaient d’une relative marge de manœuvre en mettant en œuvre des plans anti-crises. Lors des précédentes crises, celles du début des années soixante-dix du XXe siècle, les Etats nationaux pouvaient encore agir par l’intermédiaire d’une politique de relance industrielle appuyée par des moyens financiers. L’argent pouvait encore servir à quelque chose pour produire des marchandises et extraire de la plus-value. Après un quart de siècle de politique de privatisation et de dérégulation, le potentiel industriel des pays capitalistes est anéanti et toutes les grandes industries qui avaient été à la base du développement du capitalisme en Europe et aux Etats-Unis ont été démantelés pour aller s’installer en Chine, en Asie du Sud est, en Amérique latine ou dans les autres pays du tiers-monde là où la main d’œuvre est marché. C’est pourquoi la crise actuelle ne ressemble à aucune des précédentes crises que le capitalisme a connues tout au long de son histoire.
Nous avons entendu par ci et par là des cris de désespoir appelant à la formation d’une gouvernance mondiale, la reforme du système financier et monétaire international. Les dirigeants du G 20 réunis à Washington espèrent mettre en place un nouveau Bretton-Woods en conférant au FMI un rôle plus actif dans la réforme du système financier international. Cette mobilisation internationale de tous les Etats de la planète actuelle pour affronter la crise actuelle prouve une seule chose, l’incapacité des Etats nationaux à agir comme ce fut le cas dans le passé. Force est de constater que face à l’enjeu, les Etats nationaux se trouvent désarmés et ils sont obligés de s’unir tous ensemble pour trouver des solutions de sortie de crise. Mais cette tâche se révèle titanesque, car on ne voit pas comment ils vont pouvoir inventer des recettes miracles maintenant qu’ils se trouvent privés de tout moyen d’action sur l’économie réelle. La réforme des institutions financières n’est qu’une solution en trompe-l’oeil, car le problème primordial n’est pas la finance mais l’économie réelle, c’est-à-dire l’industrie et le commerce. Cette réunion du G20 n’est donc qu’une mise en scène médiatique de plus sans réelles retombées économiques, car la crise n’est plus une crise nationale ou régionale mais une crise mondiale, c’est-à-dire celle de tout un système. Qui dit système, dit multiplicité d’éléments, de paramètres et de variables d’une extrême complexité dont la maîtrise serait hors de portée des Etats. C’est pourquoi la crise que nous vivons aujourd’hui n’est pas une simple crise économique passagère qui sera vite résorbée à coup de plans de sauvetage et de milliards de dollars ou d’euros ou de réformes du système financier international mais elle est au fond la dernière crise qui sonne le glas de tout un système, le mode de production capitaliste. Le malade est trop atteint pour se remettre et le capitalisme aujourd’hui ressemble à bien des égards à l’Homme malade de l’Europe à la fin du XIXe siècle, l’Empire Ottoman. Le système capitaliste est en phase terminale et il ne reste pas grande chose à faire sauf les prières et l’appel au miracle. Mais avant qu’il rende son dernier soupir, un conseil aux dirigeants du G 20 réunis à Washington: au lieu des Livres saints, munissez-vous plutôt du Capital de Karl Marx pour mieux comprendre la cause de la mort du système au chevet duquel vous vous trouvez en ce moment. D’avance, nous vous présentons nos sincères condoléances.
FAOUZI ELMIR
http://bulletindelinternational.blogspot.com
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